dimanche 29 novembre 2015

Christian Vélot : Comprendre la réalité des OGM.



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Eviter les amalgames, combattre les raccourcis ; le sympathique enseignant-Chercheur en Génétique Moléculaire à l’Université Paris-Sud 11, œuvre sans relâche, va vers les citoyens, sort de son laboratoire afin d’offrir une information claire et néanmoins pointue au plus grand nombre. Pour preuve. Qu’est-ce qu’un OGM, vous demandez-vous ?
Christian Vélot répond : « Un organisme vivant ayant subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales par ajout, suppression ou remplacement d’au moins un gène. » Les OGM pharmaceutiques s’utilisent dans l’espace confiné d’un laboratoire. Ce sont des moyens pour arriver à une fin. Une usine à médicament. Une éprouvette biologique. Un outil servant par exemple à produire de l’insuline. En cela ils peuvent participer aux progrès médicaux. Les OGM agricoles, quant à eux, s’utilisent en plein champ. Outre une dissémination inévitable, ils sont devenus une fin en soi. En résistant aux pesticides, ces derniers les accumulent dans leurs cellules. Christian Vélot réclame donc qu’elles soient évaluées au regard de ces qualités. Le Docteur en Biologie, vous l’aurez compris, prend position : « La démarche scientifique, c’est comme l’action politique, personne n’en est propriétaire. Tout le monde peut avoir une démarche scientifique. » Les chevaux de bataille – et ils chevauchent en horde – vont du rejet de la ringardisation de l’agriculture à la lutte contre la marchandisation du vivant et son brevetage. On peut trouver encore : La distinction nécessaire entre les OGM pharmaceutiques et les OGM agricoles. La résistance à l’injonction du progrès, donc la nécessaire séparation du progrès technique et du progrès social. L’inclusion des paysans dans les projets agronomiques. Il s’agit, martèle -t-il avec une énergie communicative, d’« Arrêter de prendre les citoyens pour des cobayes et la planète pour une paillasse de laboratoire. » Le généticien, on le voit, ne mâche pas ses mots. Positions lui ayant coûté sa carrière. Peu lui chaut. L’homme, tout comme son discours, est entier. Révéler, expliquer, souligner les dangers, est « plus-fort-que-lui ». L’esprit fort, humble et résistant transpire à travers chacune de ses phrases. La dernière de la conférence dispensée le 25 septembre à la ferme du sens n’étant pas la moins révélatrice : « Mon opinion vaut plus cher que ma carrière. »

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Merci  à Christian Vélot de son accord gracieux et de son énergie communicative.

mercredi 18 novembre 2015

La culture : une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanée. Contre ce mal radical provoquant la terreur, la culture est absolument nécessaire. Etre sujet de culture ce n’est pas seulement acquérir des connaissances mais accéder à une pensée symbolique. Autrement dit, posséder des qualités de mise à distance des pulsions et du corps primaire. Pour le dire simplement, telle cette balle roulant sous le canapé, il s’agit de rendre présent des objets maintenant disparus. De nommer, manipuler l’absence. Mettre en relation des objets de pensée non visible. N’oublions pas, rappelle le pédagogue, combien l’intelligence dans ses racines même « Intelligere » appelle aux liens, signifie relier. L’œuvre de culture, insiste-t-il, relie : lie au passé, lie par l’écoute dans ce partage avec les autres – et c’est déjà une forme de création d’un collectif - lie par l’histoire des hommes où l’élève peut se retrouver. Enfin, par l’indentification aux personnages lie à soi-même : l’élève pouvant se comprendre, se trouver, analyser son chaos psychique. Bref, les humanités provoquent une mise à distance. Une pensée réflexive. Une capacité d’anticipation. Cette capacité de sortir de la pulsion primaire pour, enfin, entrer dans la pensée. Cela n’est pas sans lien, fait remarquer le professeur des universités, avec les travaux de Martha Nussbaum lorsqu’elle présente les fonctions de la littérature dans un ouvrage intitulé : « Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle ? ». La chercheuse y montre et démontre à quel point les enfants qui basculent dans la violence, dans le terrorisme, pas forcément physique mais également psychique comme la mise à l’écart des autres ou l’humiliation, sont des enfants qui manquent de « compassion ». Malheureusement, en France, le mot n’a pas bonne presse. On voit la compassion comme dévoiement, charité… Pourtant sa racine grecque et latine, loin d’être péjorative ou négative, donne l’empathie. C’est-à-dire, explicite Philippe Meirieu en reprenant l’expression de Paul Ricœur, une capacité de voir « L’autre comme soi-même et soi-même comme un autre. ». Cette possibilité de savoir se mettre à la place de l’autre mais sans s’y perdre. Etre capable de percevoir la blessure que l’on fait à l’autre et la ressentir sans pour autant se confondre avec lui. Découverte d’une altérité « identité ». Développement d’une écoute permettant de tresser ensemble, construire, des relations qui ne seront jamais complétement pacifiées mais peuvent se résoudre par le dialogue et la compréhension. Faire émerger suffisamment d’espérance pour - par contagion - nous décourager de la violence. C’est donc voir l’homme différemment. L’entendre à la manière de Lévinas comme « Eventualité pure et sainte », « une pure éventualité ». L’humain est alors une pure éventualité. Aussi, dans le monde de la violence, dans le monde du fermé sur soi, dans le monde de la lutte pour la vie, faire exister l’humain « pure éventualité et éventualité pure » par le biais d’une rencontre de quelque chose… avec un je-ne-sais-quoi. Par exemple à travers la culture, laquelle est toujours une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanément. Contribuer à faire émerger un sujet de paix et non plus un sujet de guerre.


Merci de l'accord gracieux de Philippe Meirieu
Chers lecteurs, 

Désolé pour cette apparition inexplicable du texte en double... 
Dieu informatique a des logiques impénétrables...
Bonne lecture(bis)


La culture : une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanée.

Contre ce mal radical provoquant la terreur, la culture est absolument nécessaire.
Etre sujet de culture ce n’est pas seulement acquérir des connaissances mais accéder à une pensée symbolique. Autrement dit, posséder des qualités de mise à distance des pulsions et du corps primaire. Pour le dire simplement, telle cette balle roulant sous le canapé, il s’agit de  rendre présent des objets maintenant disparus. De nommer, manipuler l’absence. Mettre en relation des objets de pensée non visible. N’oublions pas, rappelle le pédagogue, combien l’intelligence dans ses racines même « Intelligere » appelle aux liens, signifie relier.
L’œuvre de culture, insiste-t-il, relie : lie au passé, lie par l’écoute dans ce partage avec les autres – et c’est déjà une forme de création d’un collectif - lie par l’histoire des hommes où l’élève peut se retrouver. Enfin, par l’indentification aux personnages lie à soi-même : l’élève pouvant se comprendre, se trouver, analyser son chaos psychique.
Bref, les humanités provoquent une mise à distance. Une pensée réflexive. Une capacité d’anticipation. Cette capacité de sortir de la pulsion primaire pour, enfin, entrer dans la pensée.
Cela n’est pas sans lien, fait remarquer le professeur des universités, avec les travaux de Martha Nussbaum lorsqu’elle présente les fonctions de la littérature dans un ouvrage intitulé : « Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ? ». La chercheuse y montre et démontre à quel point les enfants qui basculent dans la violence, dans le terrorisme, pas forcément physique mais également psychique comme la mise à l’écart des autres ou l’humiliation, sont des enfants qui manquent de « compassion ».
Malheureusement, en France, le mot n’a pas bonne presse. On voit la compassion comme dévoiement, charité…
Pourtant sa racine grecque et latine, loin d’être péjorative ou négative, donne l’empathie. C’est-à-dire, explicite Philippe Meirieu en reprenant l’expression de Paul Ricœur, une capacité de voir « L’autre comme soi-même et soi-même comme un autre. ». Cette possibilité de savoir se mettre à la place de l’autre mais sans s’y perdre. Etre capable de percevoir la blessure que l’on fait à l’autre et la ressentir sans pour autant se confondre avec lui. Découverte d’une altérité « identité ». Développement d’une écoute permettant de tresser ensemble, construire, des relations qui ne seront jamais complétement pacifiées mais peuvent se résoudre par le dialogue et la compréhension.
Faire émerger suffisamment d’espérance pour - par contagion - nous décourager de la violence.
C’est donc voir l’homme différemment. L’entendre à la manière de Lévinas comme «  Eventualité pure et sainte », « une pure éventualité ».   
L’humain est alors une pure éventualité.
Aussi, dans le monde de la violence, dans le monde du fermé sur soi, dans le monde de la lutte pour la vie, faire exister l’humain « pure éventualité et éventualité pure » par le biais d’une rencontre de quelque chose… avec un je-ne-sais-quoi. Par exemple à travers la culture, laquelle est toujours une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanément.

Contribuer à faire émerger un sujet de paix et non plus un sujet de guerre.

Vidéo




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Le vivre ensemble est un enjeu fondamental depuis que ce récit, ces valeurs transcendantes, la verticalité  qui nous tenait ensemble a disparue.
A présent, il nous faut bien aménager l’horizontalité, contrer l’« Homo homini lupus est », faire en sorte que  la société de soit pas un terrain miné, un champ de bataille où l’homme est un loup pour l’homme. Comment éduquer après « la mort de dieu », ce dieu légitime qui instituait, nous faisait tous tenir ensemble.
On peut vivre ensemble dans la « juxtaposition des indifférences. »  Ou choisir une autre voie/ voix. Ce qui construit le collectif, c’est peut-être ce faire – culture - ensemble…


Quel avenir pour l'école ? Citephilo 2015
En partenariat avec Les Rencontres Citephilo 2015

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MarthaNussbaum, 

Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ?



dimanche 15 novembre 2015

Que dire aux élèves ? Discours sur les attentats de Philippe Meirieu - Rencontres Citephilo 2015

En partenariat avec Les Rencontres Citephilo 2015


Merci à Philippe Meirieu de cet accord gracieux.

Que dire à nos élèves ?
Comment aborder le sujet de ces terribles événements  ?
Quelles promesses pouvons-nous faire ?
Quels engagements ?

Philippe Meirieu, avec l'énergie et la clarté qui lui sont chers nous offre quelques pistes...

La solution consiste peut-être dans le soin...

"Prendre soin de la vie et de l'humain, avec une infinie tendresse et une obstination sans faille, est, aujourd'hui, la condition de toute espérance. Sachons qu'un seul sourire échangé, un seul geste d'apaisement, aussi minime soit-il, peut encore, contre tous les fatalismes, contribuer à nous sauver de la barbarie..."






"Nous savions que la vie était fragile, que l'humain c'était par moments et que la démocratie était menacée par les forces archaïques qui habitent encore le monde. Nous savions que, face à la vacuité de nos modèles économiques fondés sur la consommation compulsive, notre occident peinait à offrir un autre idéal que l'assujettissement aux intégrismes. Nous savions que tout ce qui nous tient à cœur est mortel et que l'obscurité absolue peut, un jour, faire oublier l'espoir de toute lumière... 
Que cette nuit terrible où nous avons éprouvé la terreur de la pénombre, nous rappelle notre fragilité et notre finitude. Qu'elle renforce ainsi notre détermination à prendre soin de toute vie, de toute pensée libre, de toute ébauche de solidarité, de toute joie possible. 
Prendre soin de la vie et de l'humain, avec une infinie tendresse et une obstination sans faille, est, aujourd'hui, la condition de toute espérance. Sachons qu'un seul sourire échangé, un seul geste d'apaisement, aussi minime soit-il, peut encore, contre tous les fatalismes, contribuer à nous sauver de la barbarie..."

Philippe Meirieu


Philippe Meirieu le 14 novembre 2015
Merci de son accord gracieux 
ainsi que de celui de Gilbert Glasman et d'Aurélie

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Site de Philippe Meirieu

mardi 10 novembre 2015

L'Art, une manière de respirer le monde à plein regard…



Acropole - Virginie Le Chêne parlant


Qu’est-ce qui produit l’émerveillement ? « Rend passionnant ce que l’on ne regardait plus » évoque Raphaël Enthoven 1*, brise les vitres grises du quotidien à coup de mercure de ciel ?

L’Art ?
Mais encore…
Serait-ce un voile lumineux jeté sur la pénombre du jour ?
Une technique ? Une originalité ? Un discours ?  Une méthode ? Une sensibilité ?

Une chose est sûre, l’Art s’inscrit autant dans l’ultime soubresaut d’une tranquillité ordinaire que dans les nuances arrachées aux lignes inquiètes.

Contrairement aux œuvres modernes sentant la transpiration ; laborieuses tentatives de séduction ; vaines justifications d’une raison d’être trop épicée pour ne pas masquer une limite de validité rance, l’art ne prouve rien en ce qu’il n’a rien à prouver. Aux antipodes de l’égo-selfie, c’est un accès  direct, une présence, une trouée vers le ciel, une traversée des crasses, abjections et mensonges - une manière de respirer le monde à plein regard.

« L’artiste ramène, il n’éloigne pas. Il nous rend au monde. » ajoute le philosophe dans une conférence consacrée à l’art du changement bergsonnien 1*.

Serait-il alors dénué de verni ?
Comment le mentir-vrai de l’écriture, l’invention picturale, les symphonies – des créations purement humaines, donc, complètement artificielles -  pourraient-ils constituer une parfaite adhésion au monde ?
Une forme pure ? Une sincérité renversante ? 



 Les cierges d'Oussios Loukas - Virginie Le Chêne Parlant



Telle la philosophie, l’Art produit un coup d’arrêt - sa matière directe et violente touche en plein centre le cardiaque de l’esprit. Plus étonnant encore… sa densité, sa capacité à générer une adhésion pleine et entière au sel et au souffle du monde s’inscrivent dans la durée. Etat proche de l’émerveillement – donc - n’était l’ajout du choc et de la percussion.   

A l’extrême pointe, à la légère limite de la raison, l’artiste traine sous la semelle de sa présence au monde. Dans ces instants ténus accrochés à la pierre et au silence, il est sous emprise directe – dépouillé, c’est-à-dire en pleine possession de son art et dépossédé de lui-même. L’acide de sa déraison coule à griffe ouverte tout au long des jours.
La lave de ses immenses démangeaisons coule en vagues épaisses, puis s’accumule en flaques boursouflées d’épaisseurs, ni liquide, ni solide. Ni dure, ni molle.  Etats quantiques hauts et bas à la fois, projetés
                        en symphonie douce-amère…
                        en nuance de douleur…
                                        à flan de pierre sur l’humanité lisse.

Son autisme tapissé d’idées fixes dissolve la gravité du monde en différents états des viscères.




Musique de Raphaël Imbert « Eternité douce-amère. »
Geneviève Laurenceau au violon, Raphaël Imbert au saxophone, 
Arnaud Thorette à l’alto, Johan Farjot au piano.

L’intensité au bord des paumières, l’éclat d’un essentiel condensé d’intensités…       

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1* Intermède – croisière « A la recherche du temps. » du 23 octobre 2015. Conférence « Art du changement ».



Condensation des états de lumière....


« … je me réjouis quand je contemple des choses ou des êtres merveilleux dont personne ne songe à tirer parti. » 
George Sand, 
La fée aux gros yeux.


Lasse d’entendre des inepties à courte vues et criardes, je tournais la tête vers la scène quand, tout à coup – en lieu et place du tohu-bohu-bohu habituel, je perçus une mélodie - le charme intense du piano de Benoît Chantry et de l’Oud de Ziad, livré avec douceur à la conscience de l’auditeur.