lundi 15 octobre 2018

ORLAN, lorsque l'Art charnel se fait intellectuel.


La littérature, la musique, l’art sont-ils des tentatives d’exprimer l’inexprimable ou des réactions pugnaces face aux gravités d’un monde sordide ?  En d’autres termes, l’Art est-il l’expression d’un foisonnement interne ou la révolte de l’intellect envers un extérieur infect ?

L’art n’est peut-être qu’une question de sentir lié au corps de nos émotions… En tout cas, l’artiste ORLAN nous le fait bigrement ressentir.

Car l’intensité artistique chez l’artiste, est - à bien y réfléchir – presque toujours liée au corporel. De sorte qu’une question émerge : ORLAN serait-elle une Artiste charnelle ? C’est-à-dire fait-elle de la chair l’objet même d’une œuvre tant cérébrale que plastique ?

Pourquoi non ?

 Pour preuve, la liste de ses œuvres les plus médiatisées : Une opération chirurgicale visant à poser des implants au niveau du front. Une réplication de sa personne robotisée. Des prélèvements de cellules sanguines. Des photos de soi hybridées. Un corps écorché.

 Une différence, un pas de côté, opéré - c’est le cas de le dire - au regard des canons intellectuels ou esthétiques imposés. En ce sens, la question du corps, sujet tabou entre tous, objet de désir modelé par un regard avant tout masculin, est centrale.

C’est que le corps – comme tous les stéréotypes sociétaux – est caricaturé : soit on l’idéalise en le sacralisant, soit on le dévalorise à l’état de chair. Dans le premier cas, il se fait marbre, glorieux et victorieux, dans le second, il devient cru, obscène, vulgaire. Et pourtant, n’est-ce pas le lieu de toutes les émotions traversées ? La membrane du tourment, du sentiment, de l’intellect ? Bref, ne serait-il pas l’élément clé, la base foisonnante d’émotions faisant de nous des êtres humains ?

L’Art charnel orlanesque, entend discuter la place du vivant. Aux tabous religieux s’ajoutent aussi les peurs comme celle développée face à la technologie (Peut-on dupliquer des cellules cancéreuses ?). Mais l’artiste pense également – et surtout - interroger la place du corps féminin dans la société. Affronte les déterminations masculines imposant l’icône dupliquée sur papier glaçant d’une femme incarnée en sainte et mensurée en déesse.

Mais sortir des conventions ne se passe pas toujours en douceur ni sans heurts. On n’apprécie guère apercevoir la trivialité de ses propres actes en miroir. Or frapper au cœur de la bassesse réclame parfois d’en passer par des reflets lucides. A l’origine du monde de Courbet, ORLAN oppose la naissance de la guerre.

On n’apprécie guère plus voir médiatiser une opération plastique. n’ayant pas pour but de modifier l’apparence dans le sens voulu par une société adepte du lisse. Or que sont ces implants sinon des bouleversements crus lancés à la face d’un monde soucieux de son image ? Un point de vue particulier. Un charme à contre sens.

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