dimanche 27 décembre 2015

"Passer à la joie voluptueuse de vivre ?" André Compte-Sponville - conférence du 2 décembre 2015



André Comte-Sponville
Merci de son accord gracieux pour cette mise en ligne ainsi que celui du commissaire d’exposition : Monsieur Bruno Girveau.

Qu’est-ce que la joie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Qu’est-ce que la joie de vivre ? André Comte-Sponville éclaire le sujet d’une lumière franche et éblouissante.
Ecoutons…
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Épicure développe une philosophie en tant qu’ataraxie, c’est-à-dire « absence de trouble ». Une existence solide. Détachée. Tout à la fois sereine et distante. Mais cela est-il possible ?
Face aux événements dramatiques, à l’heure des attentats actuels, peut-on se dire, s’affirmer, s’afficher en tant que sujet séparé de ces derniers ? Élément parfaitement extérieur à ces événements ? Hors champ ? Hors trouble ?
La vie est fragile et aisée à troubler, dit Montaigne.
André Compte-Sponville milite pour cette sagesse de second rang - au sens de Montaigne - pour ceux qui ne se revendiquent pas comme sage ; et, au reste, n’envisagent même pas de le devenir.
Tentatives de définitions…
La joie – telle la couleur pour un aveugle - est une émotion, un affect tellement fondamental qu’il est à peu près impossible à définir. 
Pour Descartes, la joie est une agréable émotion de l’âme. La joie, dans ces conditions, serait donc un plaisir de l’âme… Mais encore ?
Peut-on tenter de l’approcher par le bonheur ? …  Au reste, ce dernier étant confondu avec la joie, qu’est-il ? Peut-on l’être ? A-t-on jamais vraiment été heureux ?
Le bonheur n’est pas une joie constante, permanente, immuable, explicite le philosophe. Ce serait au reste l’assimiler à de la félicité. Or, par sa permanence, cette dernière est impossible.
Est-ce le désir ? Un désir est ouvert à l’infini, insatiable. Or, la satisfaction de tous nos désirs - un désir permanent - est également impossible.
Kant explique que «  Le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination ». En gros – et en détail - tout le monde en rêve, mais ne sait comment l’atteindre.
On peut donc tenter de le définir par son contraire, le malheur.
Le malheur n’est pas le fruit de l’imagination, mais celui de l’expérience.
J’appelle bonheur toute période dans laquelle la joie paraît continûment possible.
La joie relève du moment.
Le bonheur s’installe dans la durée. C’est une joie continûment possible.   


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Peut-on s’accommoder du tragique ?

« Une pas assez constante pensée de la mort
n’a donné pas assez de prix au plus petit instant de ta vie. »
André Gide.

André Comte-Sponville – deuxième partie de la conférence « Joie de vivre » dispensée le 2 décembre 2015 à l’auditorium du Musée des Beaux Arts de Lille. Merci à ce dernier ainsi qu’au commissaire d’exposition, Monsieur Bruno Girveau, de leurs accords gracieux.

Peut-on s’accommoder du tragique ?
Oui, répond le philosophe André Comte-Sponville.  Parce que la vie est fragile, tragique, parce que le malheur existe, il faut savoir en profiter. Pour reprendre André Gide « Une pas assez constante pensée de la mort n’a donné pas assez de prix au plus petit instant de ta vie. »
Qu’est-ce que cela signifie ?
Si nous nous rappelions plus souvent que nous allons mourir… Alors chaque instant de notre vie - et de celle de nos proches - serait d’autant plus précieux, d’autant plus intense qu’il se détacherait – pour citer encore André Gide -  sur « le fond très obscur de la mort ».
Autrement dit, si nous ne mourrions pas – explicite le philosophe - nous pourrions dédaigner de vivre ou vivre sans y prêter attention, en laissant les choses filer. Mais comme nous savons que nous allons mourir. Sans savoir quand. Comme la vie est fragile, tendre, alors devrions-nous profiter de chaque instant, respirer notre vie et celle  de ceux que nous aimons avec force intensité.
Ainsi Clément Rosset a-t-il raison – bien sûr – de souligner combien la joie et le tragique doivent aller ensemble, marcher de concert.
Pour en revenir à la joie de vivre…
C’est la plus difficile à saisir de toutes les joies. Car souvent, nous sommes joyeux de quelque chose : un repas, un rayon de soleil… Ce sont là moments éphémères soumis à des causes extérieures, dépendant de quelque chose. Ainsi peuvent-ils s’effacer au coin d’un nuage, disparaître sous le poids d’une indigestion. 
La joie la plus délicieuse, la plus pure – quant à elle – ne réclame aucune cause extérieure. Comme Clément Rosset l’indique, elle n’a besoin d’aucune cause. C’est la joie légère : la pure joie d’exister.
Dans ce cadre, La toile de Picasso « Femmes courant sur la plage », en est l’illustration parfaite. L’œuvre provoque un sentiment de monumentalité. Une prouesse. Une immensité dans un petit format. Ces femmes ne sont pas joyeuses parce qu’elles courent sur la plage. Elles courent parce qu’elles sont joyeuses.
Voilà une belle illustration de la joie de vivre. L’inverse du désir d’avoir. L’inverse du désir de possession illustré par Platon dans le Banquet. Pour faire simple, celui - par exemple -  d’acquérir un réfrigérateur. Ce désir de possession là est motivé par le manque. Les autres, ceux au désir comblé,  n’éprouvant pas ce manque.
Dans cette optique de pensée, dès qu’un désir est satisfait, il n’y a plus de manque. Et si le désir est manque, il n’y a plus de désir.  Dans ces conditions, c’est un bonheur manqué.
Mais le désir se réduit-il à cela ?
Non, assurément, nous explicite  André Comte-Sponville.  Ne voir dans le désir que désir de possession serait négliger un paramètre important. Ce serait oublier les dimensions du désir en acte. Autrement dit un désir de faire. Un désir satisfait dans l’instant. Un désir d’agir. Une sagesse de l’action. Le Conatus, selon Spinoza, la puissance d’exister et d’agir, c’est-à-dire le désir de faire ce qu’on fait au moment où on le fait... Un « bonheur en acte ». Celui de parler aux autres lors d’une conférence. Voilà un désir satisfait au présent sans être pour autant aboli. C’est un bonheur en acte qui se suffit à lui-même. Se satisfait de l’instant. S’ancre dans le présent…
                         Le seul qui ne manque pas.
 « La poésie est l’amour réalisé du désir demeuré désir. »
René Char.



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La sagesse : le silence voluptueux de vivre ?

Parfois, il faut savoir arrêter de penser nous dit le philosophe André Comte-Sponville dans une conférence consacrée à la « Joie de Vivre ».
La sagesse, ajoute-t-il, c’est le silence de l’esprit. Une certaine qualité de silence. La joie de vivre serait, de même, plutôt du côté du côté du silence, de l’éclat de rire. Un affect, un sentiment, une émotion… Le silence voluptueux de vivre.


Qu’est-ce que la joie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Qu’est-ce que la joie de vivre ? André Comte-Sponville éclaire le sujet d’une lumière franche et éblouissante.
Merci de son accord gracieux pour cette mise en ligne ainsi que celui du commissaire d’exposition : Monsieur Bruno Girveau.

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 « Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme de volonté. » Alain
Un pessimiste rencontre un optimiste et lui dit : « Oh dites donc, ça ne pourrait pas être pire. » L’optimiste lui répond : « Mais si, mais si. »
Le pessimiste prend des mesures, anticipe, se protège. C’est le pessimisme de l’intelligence, selon Gramsci … Au fond, mieux vaut voir les choses comme elles sont. Mieux vaut les noircir un peu afin d’être plus vigilant. Sans pour autant négliger l’optimiste de la volonté… Pour changer les choses encore faut-il croire que c’est possible.
Le pessimiste, le parachute. L’optimiste invente l’avion … Les deux sont complémentaires.


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"Le beau c'est ce qui désespère." Paul Valéry. Ce qui est beau, c'est ce qui nous met dans un état où l'on n'espère plus rien parce qu'on est complet dans l'instant. Un état de plénitude où l'on est comblé. Où l'on n'espère plus rien que ce que l'on voit ou vit.

La douceur d'écouter Schubert... Il console en jouant l'inconsolable.  





Un petit moment de bonheur...





dimanche 6 décembre 2015

Selfies de l’existence…




Photo : Silvia Grav 


Dans un monde où l’individu doit analyser, être, se construire – à la fois maître, artisan et dieu de son destin – où la construction de soi dépend de ses propres efforts, où la volonté rime avec réussite, chaque défaut lacère la construction du moi jusqu’à le rendre exempt d’identité.

Est-il alors d’autres moyens d’exister, d’exprimer sa présence, de prouver son existence qu’en se montrant ? Parfait. Beau. Superbe. Fanfaron de l’instant ? Expression se voulant de  puissance. Vague soubresaut, pathétique - pathétique est une expression effroyable tant la nudité du désolant se dépose en croûte crasse au pied du minable - misérable spectacle, donc, du sursaut d’un moi traîné à flan de pierre.
Faire défaut, n’est-ce pas anéantir tout espoir fondé sur votre personne ? N’est-ce pas faillir par son absence de présence ?

La personne sans  qualité, sans reconnaissance – à transit incertain – dénuée de distinction précise n’a même pas à se cacher, elle n’existe pas.
L’être de plume et de ciel fané, erre alors au ras de la modernité, tout en solitude de papier fiché sur mur virtuel.
Les Selfies sont des assemblages enthousiastes, une joie clonée, dupliquée en lasse ressemblance. Séquelles de faiblesse, ombres projetées sur l’humanité lisse où la conjuration du réel s’exhibe en papiers de détresse.

Pourtant, des brisures, du spectacle du dépérissement, des traits de l’usure, des durcissements, de la carne des jours, émerge parfois le poivre épars d’une humaine épice. C’est la solidité râpe, grave et rêche, la démangeaison coulant à griffe ouverte au long des jours tapissés d’épreuves.

dimanche 29 novembre 2015

Christian Vélot : Comprendre la réalité des OGM.



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Eviter les amalgames, combattre les raccourcis ; le sympathique enseignant-Chercheur en Génétique Moléculaire à l’Université Paris-Sud 11, œuvre sans relâche, va vers les citoyens, sort de son laboratoire afin d’offrir une information claire et néanmoins pointue au plus grand nombre. Pour preuve. Qu’est-ce qu’un OGM, vous demandez-vous ?
Christian Vélot répond : « Un organisme vivant ayant subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales par ajout, suppression ou remplacement d’au moins un gène. » Les OGM pharmaceutiques s’utilisent dans l’espace confiné d’un laboratoire. Ce sont des moyens pour arriver à une fin. Une usine à médicament. Une éprouvette biologique. Un outil servant par exemple à produire de l’insuline. En cela ils peuvent participer aux progrès médicaux. Les OGM agricoles, quant à eux, s’utilisent en plein champ. Outre une dissémination inévitable, ils sont devenus une fin en soi. En résistant aux pesticides, ces derniers les accumulent dans leurs cellules. Christian Vélot réclame donc qu’elles soient évaluées au regard de ces qualités. Le Docteur en Biologie, vous l’aurez compris, prend position : « La démarche scientifique, c’est comme l’action politique, personne n’en est propriétaire. Tout le monde peut avoir une démarche scientifique. » Les chevaux de bataille – et ils chevauchent en horde – vont du rejet de la ringardisation de l’agriculture à la lutte contre la marchandisation du vivant et son brevetage. On peut trouver encore : La distinction nécessaire entre les OGM pharmaceutiques et les OGM agricoles. La résistance à l’injonction du progrès, donc la nécessaire séparation du progrès technique et du progrès social. L’inclusion des paysans dans les projets agronomiques. Il s’agit, martèle -t-il avec une énergie communicative, d’« Arrêter de prendre les citoyens pour des cobayes et la planète pour une paillasse de laboratoire. » Le généticien, on le voit, ne mâche pas ses mots. Positions lui ayant coûté sa carrière. Peu lui chaut. L’homme, tout comme son discours, est entier. Révéler, expliquer, souligner les dangers, est « plus-fort-que-lui ». L’esprit fort, humble et résistant transpire à travers chacune de ses phrases. La dernière de la conférence dispensée le 25 septembre à la ferme du sens n’étant pas la moins révélatrice : « Mon opinion vaut plus cher que ma carrière. »

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Merci  à Christian Vélot de son accord gracieux et de son énergie communicative.

mercredi 18 novembre 2015

La culture : une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanée. Contre ce mal radical provoquant la terreur, la culture est absolument nécessaire. Etre sujet de culture ce n’est pas seulement acquérir des connaissances mais accéder à une pensée symbolique. Autrement dit, posséder des qualités de mise à distance des pulsions et du corps primaire. Pour le dire simplement, telle cette balle roulant sous le canapé, il s’agit de rendre présent des objets maintenant disparus. De nommer, manipuler l’absence. Mettre en relation des objets de pensée non visible. N’oublions pas, rappelle le pédagogue, combien l’intelligence dans ses racines même « Intelligere » appelle aux liens, signifie relier. L’œuvre de culture, insiste-t-il, relie : lie au passé, lie par l’écoute dans ce partage avec les autres – et c’est déjà une forme de création d’un collectif - lie par l’histoire des hommes où l’élève peut se retrouver. Enfin, par l’indentification aux personnages lie à soi-même : l’élève pouvant se comprendre, se trouver, analyser son chaos psychique. Bref, les humanités provoquent une mise à distance. Une pensée réflexive. Une capacité d’anticipation. Cette capacité de sortir de la pulsion primaire pour, enfin, entrer dans la pensée. Cela n’est pas sans lien, fait remarquer le professeur des universités, avec les travaux de Martha Nussbaum lorsqu’elle présente les fonctions de la littérature dans un ouvrage intitulé : « Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle ? ». La chercheuse y montre et démontre à quel point les enfants qui basculent dans la violence, dans le terrorisme, pas forcément physique mais également psychique comme la mise à l’écart des autres ou l’humiliation, sont des enfants qui manquent de « compassion ». Malheureusement, en France, le mot n’a pas bonne presse. On voit la compassion comme dévoiement, charité… Pourtant sa racine grecque et latine, loin d’être péjorative ou négative, donne l’empathie. C’est-à-dire, explicite Philippe Meirieu en reprenant l’expression de Paul Ricœur, une capacité de voir « L’autre comme soi-même et soi-même comme un autre. ». Cette possibilité de savoir se mettre à la place de l’autre mais sans s’y perdre. Etre capable de percevoir la blessure que l’on fait à l’autre et la ressentir sans pour autant se confondre avec lui. Découverte d’une altérité « identité ». Développement d’une écoute permettant de tresser ensemble, construire, des relations qui ne seront jamais complétement pacifiées mais peuvent se résoudre par le dialogue et la compréhension. Faire émerger suffisamment d’espérance pour - par contagion - nous décourager de la violence. C’est donc voir l’homme différemment. L’entendre à la manière de Lévinas comme « Eventualité pure et sainte », « une pure éventualité ». L’humain est alors une pure éventualité. Aussi, dans le monde de la violence, dans le monde du fermé sur soi, dans le monde de la lutte pour la vie, faire exister l’humain « pure éventualité et éventualité pure » par le biais d’une rencontre de quelque chose… avec un je-ne-sais-quoi. Par exemple à travers la culture, laquelle est toujours une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanément. Contribuer à faire émerger un sujet de paix et non plus un sujet de guerre.


Merci de l'accord gracieux de Philippe Meirieu
Chers lecteurs, 

Désolé pour cette apparition inexplicable du texte en double... 
Dieu informatique a des logiques impénétrables...
Bonne lecture(bis)


La culture : une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanée.

Contre ce mal radical provoquant la terreur, la culture est absolument nécessaire.
Etre sujet de culture ce n’est pas seulement acquérir des connaissances mais accéder à une pensée symbolique. Autrement dit, posséder des qualités de mise à distance des pulsions et du corps primaire. Pour le dire simplement, telle cette balle roulant sous le canapé, il s’agit de  rendre présent des objets maintenant disparus. De nommer, manipuler l’absence. Mettre en relation des objets de pensée non visible. N’oublions pas, rappelle le pédagogue, combien l’intelligence dans ses racines même « Intelligere » appelle aux liens, signifie relier.
L’œuvre de culture, insiste-t-il, relie : lie au passé, lie par l’écoute dans ce partage avec les autres – et c’est déjà une forme de création d’un collectif - lie par l’histoire des hommes où l’élève peut se retrouver. Enfin, par l’indentification aux personnages lie à soi-même : l’élève pouvant se comprendre, se trouver, analyser son chaos psychique.
Bref, les humanités provoquent une mise à distance. Une pensée réflexive. Une capacité d’anticipation. Cette capacité de sortir de la pulsion primaire pour, enfin, entrer dans la pensée.
Cela n’est pas sans lien, fait remarquer le professeur des universités, avec les travaux de Martha Nussbaum lorsqu’elle présente les fonctions de la littérature dans un ouvrage intitulé : « Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ? ». La chercheuse y montre et démontre à quel point les enfants qui basculent dans la violence, dans le terrorisme, pas forcément physique mais également psychique comme la mise à l’écart des autres ou l’humiliation, sont des enfants qui manquent de « compassion ».
Malheureusement, en France, le mot n’a pas bonne presse. On voit la compassion comme dévoiement, charité…
Pourtant sa racine grecque et latine, loin d’être péjorative ou négative, donne l’empathie. C’est-à-dire, explicite Philippe Meirieu en reprenant l’expression de Paul Ricœur, une capacité de voir « L’autre comme soi-même et soi-même comme un autre. ». Cette possibilité de savoir se mettre à la place de l’autre mais sans s’y perdre. Etre capable de percevoir la blessure que l’on fait à l’autre et la ressentir sans pour autant se confondre avec lui. Découverte d’une altérité « identité ». Développement d’une écoute permettant de tresser ensemble, construire, des relations qui ne seront jamais complétement pacifiées mais peuvent se résoudre par le dialogue et la compréhension.
Faire émerger suffisamment d’espérance pour - par contagion - nous décourager de la violence.
C’est donc voir l’homme différemment. L’entendre à la manière de Lévinas comme «  Eventualité pure et sainte », « une pure éventualité ».   
L’humain est alors une pure éventualité.
Aussi, dans le monde de la violence, dans le monde du fermé sur soi, dans le monde de la lutte pour la vie, faire exister l’humain « pure éventualité et éventualité pure » par le biais d’une rencontre de quelque chose… avec un je-ne-sais-quoi. Par exemple à travers la culture, laquelle est toujours une rencontre de l’autre et une rencontre de soi simultanément.

Contribuer à faire émerger un sujet de paix et non plus un sujet de guerre.

Vidéo




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Le vivre ensemble est un enjeu fondamental depuis que ce récit, ces valeurs transcendantes, la verticalité  qui nous tenait ensemble a disparue.
A présent, il nous faut bien aménager l’horizontalité, contrer l’« Homo homini lupus est », faire en sorte que  la société de soit pas un terrain miné, un champ de bataille où l’homme est un loup pour l’homme. Comment éduquer après « la mort de dieu », ce dieu légitime qui instituait, nous faisait tous tenir ensemble.
On peut vivre ensemble dans la « juxtaposition des indifférences. »  Ou choisir une autre voie/ voix. Ce qui construit le collectif, c’est peut-être ce faire – culture - ensemble…


Quel avenir pour l'école ? Citephilo 2015
En partenariat avec Les Rencontres Citephilo 2015

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MarthaNussbaum, 

Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ?



dimanche 15 novembre 2015

Que dire aux élèves ? Discours sur les attentats de Philippe Meirieu - Rencontres Citephilo 2015

En partenariat avec Les Rencontres Citephilo 2015


Merci à Philippe Meirieu de cet accord gracieux.

Que dire à nos élèves ?
Comment aborder le sujet de ces terribles événements  ?
Quelles promesses pouvons-nous faire ?
Quels engagements ?

Philippe Meirieu, avec l'énergie et la clarté qui lui sont chers nous offre quelques pistes...

La solution consiste peut-être dans le soin...

"Prendre soin de la vie et de l'humain, avec une infinie tendresse et une obstination sans faille, est, aujourd'hui, la condition de toute espérance. Sachons qu'un seul sourire échangé, un seul geste d'apaisement, aussi minime soit-il, peut encore, contre tous les fatalismes, contribuer à nous sauver de la barbarie..."






"Nous savions que la vie était fragile, que l'humain c'était par moments et que la démocratie était menacée par les forces archaïques qui habitent encore le monde. Nous savions que, face à la vacuité de nos modèles économiques fondés sur la consommation compulsive, notre occident peinait à offrir un autre idéal que l'assujettissement aux intégrismes. Nous savions que tout ce qui nous tient à cœur est mortel et que l'obscurité absolue peut, un jour, faire oublier l'espoir de toute lumière... 
Que cette nuit terrible où nous avons éprouvé la terreur de la pénombre, nous rappelle notre fragilité et notre finitude. Qu'elle renforce ainsi notre détermination à prendre soin de toute vie, de toute pensée libre, de toute ébauche de solidarité, de toute joie possible. 
Prendre soin de la vie et de l'humain, avec une infinie tendresse et une obstination sans faille, est, aujourd'hui, la condition de toute espérance. Sachons qu'un seul sourire échangé, un seul geste d'apaisement, aussi minime soit-il, peut encore, contre tous les fatalismes, contribuer à nous sauver de la barbarie..."

Philippe Meirieu


Philippe Meirieu le 14 novembre 2015
Merci de son accord gracieux 
ainsi que de celui de Gilbert Glasman et d'Aurélie

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Site de Philippe Meirieu

mardi 10 novembre 2015

L'Art, une manière de respirer le monde à plein regard…



Acropole - Virginie Le Chêne parlant


Qu’est-ce qui produit l’émerveillement ? « Rend passionnant ce que l’on ne regardait plus » évoque Raphaël Enthoven 1*, brise les vitres grises du quotidien à coup de mercure de ciel ?

L’Art ?
Mais encore…
Serait-ce un voile lumineux jeté sur la pénombre du jour ?
Une technique ? Une originalité ? Un discours ?  Une méthode ? Une sensibilité ?

Une chose est sûre, l’Art s’inscrit autant dans l’ultime soubresaut d’une tranquillité ordinaire que dans les nuances arrachées aux lignes inquiètes.

Contrairement aux œuvres modernes sentant la transpiration ; laborieuses tentatives de séduction ; vaines justifications d’une raison d’être trop épicée pour ne pas masquer une limite de validité rance, l’art ne prouve rien en ce qu’il n’a rien à prouver. Aux antipodes de l’égo-selfie, c’est un accès  direct, une présence, une trouée vers le ciel, une traversée des crasses, abjections et mensonges - une manière de respirer le monde à plein regard.

« L’artiste ramène, il n’éloigne pas. Il nous rend au monde. » ajoute le philosophe dans une conférence consacrée à l’art du changement bergsonnien 1*.

Serait-il alors dénué de verni ?
Comment le mentir-vrai de l’écriture, l’invention picturale, les symphonies – des créations purement humaines, donc, complètement artificielles -  pourraient-ils constituer une parfaite adhésion au monde ?
Une forme pure ? Une sincérité renversante ? 



 Les cierges d'Oussios Loukas - Virginie Le Chêne Parlant



Telle la philosophie, l’Art produit un coup d’arrêt - sa matière directe et violente touche en plein centre le cardiaque de l’esprit. Plus étonnant encore… sa densité, sa capacité à générer une adhésion pleine et entière au sel et au souffle du monde s’inscrivent dans la durée. Etat proche de l’émerveillement – donc - n’était l’ajout du choc et de la percussion.   

A l’extrême pointe, à la légère limite de la raison, l’artiste traine sous la semelle de sa présence au monde. Dans ces instants ténus accrochés à la pierre et au silence, il est sous emprise directe – dépouillé, c’est-à-dire en pleine possession de son art et dépossédé de lui-même. L’acide de sa déraison coule à griffe ouverte tout au long des jours.
La lave de ses immenses démangeaisons coule en vagues épaisses, puis s’accumule en flaques boursouflées d’épaisseurs, ni liquide, ni solide. Ni dure, ni molle.  Etats quantiques hauts et bas à la fois, projetés
                        en symphonie douce-amère…
                        en nuance de douleur…
                                        à flan de pierre sur l’humanité lisse.

Son autisme tapissé d’idées fixes dissolve la gravité du monde en différents états des viscères.




Musique de Raphaël Imbert « Eternité douce-amère. »
Geneviève Laurenceau au violon, Raphaël Imbert au saxophone, 
Arnaud Thorette à l’alto, Johan Farjot au piano.

L’intensité au bord des paumières, l’éclat d’un essentiel condensé d’intensités…       

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1* Intermède – croisière « A la recherche du temps. » du 23 octobre 2015. Conférence « Art du changement ».



Condensation des états de lumière....


« … je me réjouis quand je contemple des choses ou des êtres merveilleux dont personne ne songe à tirer parti. » 
George Sand, 
La fée aux gros yeux.


Lasse d’entendre des inepties à courte vues et criardes, je tournais la tête vers la scène quand, tout à coup – en lieu et place du tohu-bohu-bohu habituel, je perçus une mélodie - le charme intense du piano de Benoît Chantry et de l’Oud de Ziad, livré avec douceur à la conscience de l’auditeur. 


dimanche 11 octobre 2015

"Philosopher en temps de détresse", Dorian Astor, Machaël Foessel, Raphaël Enthoven et Nicolas léger.

Un événement des Bibliothèques Idéales de Strasbourg



Merci de leur gracieuse autorisation.



Comment exprimer notre difficulté à vivre ?
Dire le mal ?
Exprimer l’effroi ?
Comment surmonter le tragique d’une vie insensée ?
Peut-on se consoler d’une mort ?
Devons-nous rechercher une parole perdue ?
Où trouver une parole qui assouvisse notre besoin de consolation ?
Est-ce seulement possible ?


Robert and Shanna ParkeHarrison

Les traités de consolation, tel celui de Plutarque, sont-ils de quelque utilité ? 
Comment faire face à la féroce indifférence du monde ? 

Le destin nous confronte sans cesse à des effets d’extériorité, évoque le philosophe Dorian Astor. L’extériorité de la détresse, d’après Nietzsche, se déplace vers une intériorité, devient intérieure. L’homme moderne à ses yeux est un chaos psycho- sociologique. Il s’agit donc de revenir sur les différents points de vue, part-on d’effets extérieurs ou parle-t-on de détresse intérieure ? Michaël Foessel poursuit : Il n’y aurait pas de détresse sans prise de conscience de cette dernière. Une des certaines figures de la détresse, c’est une détresse qui s’ignore. On parle de déclin, de perte de la souveraineté… La liste de ces considérations désolées peut-être longue. Cela suppose, naturellement de les avoir possédées puis perdues. Pour couronner le tout, ajoute Raphaël Enthoven : « Nous naissons par hasard dans un monde qui s’en fiche. » Le monde n’a rien d’aimable. En ce sens, philosopher, c’est toujours philosopher en temps de détresse. Le désarroi en étant sa source vive et infiniment vivace. Ceci rend son exercice délicat. La pratique philosophique est difficile par ce qu’elle a à nous dire. Son contenu décile, creuse l’angoisse. Son exercice est inséparable de notre condition, qu’elle soit « Conscience douloureuse d’elle-même. » ou esquive. 
 Le mythe d’Aristophane explique comment des entités premières, des boules à 4 bras et 4 jambes sont scindées en deux d’un coup de foudre. 




 La coupe sombre est violente, sauvage. Le partage se fait alors scission. De là se produit un manque, une déchirure, une séparation. Etre seul, c’est avoir perdu, être dépossédé de sa moitié.
Mais on peut vivre la solitude différemment… comme une plénitude. Oui, un apaisement. On est seul, certes, mais on discute alors avec ce qu’on est.
Rien n’est pire, évoque Sacha Guitry, que d’être dérangé.
« Il y a des gens qui viennent augmenter votre solitude en venant la troubler. »


"Le petit coin très près dans lequel on est très loin."

 Ce qui compte, pour la philosophie, c’est de questionner la question, c’est une prise de conscience, reste à savoir si cette dernière sera source de détresse accrue ou mise au service de la levée du voile des illusions. En ce dernier cas, il est possible d’opérer une conversion. De convertir la douleur en douceur. La philosophie ménage alors des éclaircies. Encore convient-il de préserver cette capacité d’étonnement propre à la philosophie. De ne pas diluer l’étonnement dans la vérité, évoque le philosophe dans une seconde partie de la vidéo « philosopher en temps de détresse », c’est-à-dire, une fois la vérité trouvée, la loi découverte, maintenir toujours vivace l’étonnement. Il s’agit de conserver face au monde une fraîcheur juvénile, une candeur, une manière virginale de voir le monde. Remplacer le sentiment de savoir par la candeur.



Robert Parkeharrison Show 2010 planter



Dorian Astor, développe, nous ne sommes ni rationnels ni libres, explique-t-il. Nous avons des parts de rationalités, nous sommes d’abord « Homme ». Le sujet étant un résultat, c’est un point d’arrivée. Nous fonctionnons sur un point de subjectivité qui ne cesse de produire cette détresse. La philosophie fait semblant de poser des définitions. Ces dernières ne sont jamais définitives. Sans cesse remises en questions, elles seront posées à la fin, si elles sont posées.

 Philosopher en temps de détresse 
Dorian Astor - Michaël Foessel - Raphaël Enthoven 29-09-15 Strasbourg 
photo Virginie Le chêne parlant

 Michaël Foessel : Cette promesse de la modernité – non tenue – ne fait qu’accroître notre détresse. Ces promesses d’émancipation, de nous débarrasser de nos servitudes, d’une technique qui peut tout, d’éloigner la mort, ne se sont pas réalisées.
Tout à coup, le monde s’effondre. 

"Tout se perd, Ma Bonne Dame…" Raphaël Enthoven évoque non sans humour le syndrome du « Ma Bonne Dame », lequel est de tous les temps. Déploration d’un monde qui n’a plus de valeurs.
 Tout se perd-il donc ? Tout serait-il perdu ? La philosophie serait-elle l’apprentissage des catastrophes insolubles ?
 Il fut un temps, évoque Dorian Astor, où le philosophe était un médecin, celui qui soigne une pathologie. L’idée est intéressante. En effet, déterminer ce qui dépend de nous de ce qui ne le dépend pas est déjà effectuer un grand pas dans l’acceptation du monde tel qu’il est. La philosophie, c’est résister. Eduquer, c’est se modifier. Changer de perception. C’est, au reste, la raison de la condamnation de Socrate. Accusation non anodine puisqu’en lui reprochant de venir corrompre la jeunesse, on lui reprochait de la modifier.
Le philosophe - continue Raphaël Enthoven - est professeur de simplicité, laquelle est indigeste. « Idiotes », en grec, c’est la simplicité. L’idiot voit ce qu’il voit. De ce point de vue, rien ne lui échappe. Meursault est sans doute de ces êtres présents au monde mais aussi à côté. Ce dernier n’est pas indifférent ni insensible, il a du désir, il éprouve de la colère. Meursault est disponible au monde. Son ultra sensibilité, sa capacité incroyable à sentir les choses, son ouverture « à la tendre indifférence du monde », son impossibilité à mentir font qu’il n’a pas d’issue.


 Alors, face à la douleur abyssale, insoluble - « un trou dans l’eau qui ne se referme pas » - que faire ? La philosophie est aussi l’apprentissage des catastrophes insolubles. On change par l’apprentissage de ce sur quoi on n’a pas de prise. Autrement dit, accepter de n’avoir aucune solution. Renoncer à vouloir modifier ce qui ne dépend pas de soi. Passer au vrai bien d’après Spinoza est d’une obtention difficile. C’est désirer « une chose qui nous contente une fois qu’on la possède. », objet satisfaisant l’âme d’une façon durable. Mais également - et c’est là où Spinoza fait très fort - c’est renoncer à la sagesse. Consentir, dans un premier temps, à ce qui n’est pas sage. Accepter de désirer les demi-biens, les choses faciles à obtenir : la gloire, l’argent, le sexe… Là est le premier pas vers la sagesse. C’est également, conclut Dorian Astor, à la manière de Nietzsche dans la « Naissance de la tragédie », renvoyer dos à dos les optimismes et les pessimistes. Le pessimiste a le mérite de la probité. Autrement dit, entrer dans le « pessimisme de la force », la « névrose de la santé ». Un scepticisme non pessimisme... Etre à la manière de Spinoza dans le « ni espoir, ni crainte. » 

Passer par-dessus de son ombre.

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 Partie 1 « Philosopher en temps de détresse » Dorian Astor, Michaël Foessel, Raphaël Enthoven, et le médiateur Nicolas Léger.



Le destin nous confronte sans cesse à des effets d’extériorité, évoque le philosophe Dorian Astor. L’extériorité de la détresse, d’après Nietzsche, se déplace vers une intériorité, devient intérieure. L’homme moderne à ses yeux est un chaos psycho- sociologique. Il s’agit donc de revenir sur les différents points de vue, part-on d’effets extérieurs ou parle-t-on de détresse intérieure ? Michaël Fossel poursuit : Il n’y aurait pas de détresse sans prise de conscience de cette dernière. Une des certaines figures de la détresse, c’est une détresse qui s’ignore. On parle de déclin, de perte de la souveraineté… La liste de ces considérations désolées peut-être longue. Cela suppose que nous les ayons possédées, puis perdues. Raphaël Enthoven : « Nous naissons par hasard dans un monde qui s’en fiche. » Le monde n’a rien d’aimable. Philosopher, c’est toujours philosopher en temps de détresse. En ce sens, le désarroi est la source vive et infiniment vivace de la philosophie. Cette dernière est difficile par ce qu’elle a à nous dire. Son contenu décille, creuse l’angoisse. Son exercice est inséparable de notre condition, qu’elle soit « Conscience douloureuse d’elle-même. » ou esquive. Le mythe d’Aristophane explique comment des entités premières, des boules, sont scindées en deux d’un coup de foudre. Le partage est alors une scission, une coupe sombre et sauvage. De là se produit un manque, une déchirure, une séparation. Etre seul, c’est avoir perdu, être dépossédé de sa moitié. Mais on peut vivre la solitude différemment, comme une plénitude. On est seul, certes mais on discute alors avec ce qu’on est. Ce qui compte, pour la philosophie, c’est de questionner la question, c’est une prise de conscience, reste à savoir si cette dernière sera source d’une détresse accrue ou mise au service de la levée du voile des illusions. En ce dernier cas, il est possible d’opérer une conversion. De convertir la douleur en douceur. La philosophie ménage alors des éclaircies. Nous ne sommes ni rationnels ni libres, explique Dorian Astor, nous avons des parts de rationalités, nous sommes d’abord « Homme ». Le sujet est un résultat, c’est un point d’arrivée. Nous fonctionnons sur un point de subjectivité qui ne cesse de produire cette détresse. La philosophie fait semblant de poser des définitions. Ces dernières ne sont jamais définitives. Sans cesse remises en questions, elles seront posées à la fin, si elles sont posées. Michaël Foessel : Cette promesse de la modernité – non tenue – ne fait qu’accroître notre détresse. Ces promesses d’émancipation, de nous débarrasser de nos servitudes, d’une technique qui peut tout, d’éloigner la mort, ne se sont pas réalisées. Tout à coup, le monde s’effondre. Tout se perd, Ma Bonne Dame, le syndrome du « Ma Bonne Dame » est de tous les temps. Déploration d’un monde qui n’a plus de valeurs.

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Partie 2 « Philosopher en temps de détresse » Dorian Astor, Michaël Foessel, Raphaël Enthoven, et le médiateur Nicolas Léger.


L’apprentissage des catastrophes insolubles ? Il fut un temps où le philosophe était un médecin, celui qui soigne une pathologie, évoque Dorian Astor. L’idée est intéressante. En effet, déterminer ce qui dépend de nous de ce qui ne le dépend pas est déjà effectuer un grand pas dans l’acceptation du monde tel qu’il est. La philosophie, c’est résister. Eduquer, c’est se modifier. Changer de perception. C’est la condamnation de Socrate. Accusation non anodine. En lui reprochant de corrompre la jeunesse, on lui reprochait de la modifier. Le philosophe, poursuit Raphaël Enthoven, est professeur de simplicité, laquelle est indigeste. « Idiotes », en grec, c’est la simplicité. L’idiot voit ce qu’il voit. De ce point de vue, rien ne lui échappe. Alors, face à la douleur abyssale, insoluble - « un trou dans l’eau qui ne se referme pas » - que faire ? La philosophie, c’est aussi l’apprentissage des catastrophes insolubles. On change par l’apprentissage de ce sur quoi on n’a pas de prise. Accepter de n’avoir aucune solution. Renoncer à vouloir modifier ce qui ne dépend pas de soi. Passer au vrai bien d’après Spinoza est d’une obtention difficile. C’est désirer « une chose qui nous contente une fois qu’on la possède. », objet satisfaisant l’âme d’une façon durable. Mais également - et c’est là où Spinoza fait très fort - c’est renoncer à la sagesse. Consentir, dans un premier temps, à ce qui n’est pas sage. Accepter de désirer les demi-biens, les choses faciles à obtenir : la gloire, l’argent, le sexe… Là est le premier pas vers la sagesse. Conclusion : La philosophie commence par l’étonnement. Or comment ne pas diluer l’étonnement dans la vérité ? C’est-à-dire, une fois la vérité trouvée, la loi découverte, maintenir toujours vivace l’étonnement ? Les lois une fois trouvées perdent-elles leur caractère étonnant pour autant ? Il s’agit de conserver face au monde une fraîcheur juvénile, une candeur, une manière virginale de voir le monde. Remplacer le sentiment de savoir par la candeur. C’est également, ajoute Dorian Astor, à la manière de Nietzsche dans la « Naissance de la tragédie », renvoyer dos à dos les optimismes et les pessimistes. Le pessimiste a le mérite de la probité. Autrement dit, entrer dans le « pessimisme de la force », la « névrose de la santé ». Un scepticisme non pessimisme... Etre à la manière de Spinoza dans un « ni espoir, ni crainte. » Passer par-dessus de son ombre.


 Philosopher en temps de détresse 
Michaël Foessel - Raphaël Enthoven - Nicolas léger - 29-09-15 Strasbourg 
photo Virginie Le chêne parlant
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Pour aller plus loin… Adèle Van Reeth, entrer dans « la solidarité des éprouvés, des ébranlés Jan Patočka « Le besoin de consolation est impossible à rassasier. » Stig Dagerman « consolation » ne pas laisser l’autre seul, c’est le contraire de la désolation. http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-la-consolation-14-y-a-t-il-un-remede-a-la-maladie-2

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Instants capturés...

  Philosopher en temps de détresse 
Dorian Astor - Michaël Foessel -29-09-15 Strasbourg 
photo Virginie Le chêne parlant


 Philosopher en temps de détresse 
Raphaël Enthoven - Nicolas Léger 29-09-15 Strasbourg 
photo Virginie Le chêne parlant




dimanche 4 octobre 2015

Sommes-nous tous "snobs" ? Adèle Van Reeth rencontre avec les Mardis de la philosophie à Bruxelles

« questionner ce qui est déjà connu et …
découvrir ce qui ne l’est pas encore. » 1 *
Adèle Van Reeth
 Raphaël Enthoven
 Le snobisme

 Merci aux accords gracieux d'Adèle Van Reeth
et des mardis de la philo.



Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant

« Lever le voile d’illusion qui nous empêche de voir, pour mieux l’accepter. »
Adèle Van Reeth


A première vue, le snobisme semble un sujet dénué d’intérêt, frivole, léger, creux, inconsistant.
Sa seule évocation fait sourire. Sûrs de ne pas en être, nous voici haussant les épaules d’un air entendu. Quelle question ? …  Fariboles. En voilà des idioties !

Et pourtant,  à bien y réfléchir, ne balayons-nous pas le snobisme d’un revers d’arrogance ?  Bardés de certitudes, ne passons-nous pas à côté du banal - donc de l’essentiel ? Tout ce qui semble plat, usuel, ne contient-il pas des myriades de merveilles ?  

Au vrai, l’extraordinaire nait souvent de l’imprévisible. Telle la surface d’un lac cache des mondes inconcevables, l’improbable végétal émerge à la surface du médiocre. C’est que la fermentation n’a nul besoin d’un tonneau précis afin d’entrer en ébullition : le remarquable prolifère à même l’ordinaire. Notre quotidien renferme des pépites d’étonnement.

Au reste, pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, la philosophe Adèle Van Reeth déclenche le « détecteur de snobisme ».

Pas sûr que nous en sortions indemnes…

D’après Bergson, rappelle cette dernière, on ne voit pas les choses elles-mêmes mais les étiquettes qu’on a posées sur elles.
Nous fonctionnons par étiquettes. Loin d’être négatif, raisonner par étiquette est une nécessité. La condition sine qua non permettant d’activer la pensée. « L’enjeu est vital nous dit Bergson ». Ces raccourcis sont éclairants, permettent de nous expliquer, nous exprimer sans se perdre dans les détails.
Au quotidien, ceci est nécessaire afin d’effectuer des tris, de distinguer les choses, de ne pas être dissous dans un flux continu. Un flou sans début ni fin.

Le snob - de même - brandit des étiquettes,  mais à l’extrême, et sait en jouer à la perfection.
A tel point, que, prisonnier de son jeu d’étiquettes, prenant son opinion pour la vérité, ce dernier développe des côtés détestables, insupportables.  Ainsi l’attitude de Madame Verdurin, par ses exagérations, ses normes portées au paroxysme « du bon goût », son sur-jeu, nous apparait-elle mesquine, odieuse... Caricaturale. Ridicule.
Comportement artificiel dont l’aspect dérisoire procure une certaine source de réjouissance. 

Dans cette  relation avec les autres, être snob, n’est peut-être après tout,  « pas si grave »
Si le snob assume ses choix, il peut également faire, parfois, preuve d’autodérision.


Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant

La philosophe poursuit…
Le snobisme est une manière, pas une matière.  « Une manière – ajoute-t-elle -  de jouer avec les codes sociaux qui nous est absolument nécessaire. »  De même que l’homme est irrésistiblement attiré par la société mais – tout à la fois et contradictoirement – ne cesse de vouloir se distinguer. De même que nous oscillons entre existence collective dans laquelle nous nous noyons et un besoin de singularité, le snob n’a qu’un désir : sortir de la masse. Exister par soi-même. Le pire cauchemar du snob serait de ressembler à tout le monde. Il faut qu’il paraisse tel ou tel - favorisant la distinction sur l’identité. Ainsi pousse-t-il certains faits sociologiques à l’excès. Cette dimension n’est pas superficielle. C’est une question de survie, il n’a pas le choix.
Pour reprendre Pascal, le voilà incapable de rester dans sa chambre.  Du coup, sa posture est une esquive. Son attitude un masque.

Derrière l’image frivole du snob, se cache une douleur, une détresse. Une tragédie.

Recouvrir la vérité d’une forme de voile, lui permet de vivre avec ses douleurs. C’est un vernis, un stratagème, un mécanisme, une réaction de protection du sujet.

Une façon de tenir en société.

                                              En cela sommes-nous peut-être tous des snobs* ?





Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant




 

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Notes de bas de page



1 * : « Depuis 2007, « Les Nouveaux Chemins de la connaissance », tentent de prouver quotidiennement que la philosophie est affaire de rencontres. Rencontre avec un interlocuteur d’abord, au gré d’une discussion dont le seul but est de donner envie de penser, en invitant à questionner ce qui est déjà connu et à découvrir ce qui ne l’est pas encore. »  p 7
Adèle Van Reeth - Raphaël Enthoven – Le snobisme – Plon,  Paris 2015 – ISBN : 978-2-259-22988-3


Tweet Adèle 28 septembre : « Comme la folie, le snobisme assumé ne l’est pas ou plus. Mais mon bavardage résiste á toute définition. »

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Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant


Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant


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* Si le snobisme est barrière protectrice, c’est également une carapace, une cuirasse, une barrière. N’est-ce donc point un enfermement ?
A se prendre au sérieux - à l’extrême du vivant –  à se badigeonner du vernis de l’originalité, de l’éclat, à vouloir se distinguer à tout prix, ne perd-on en doute, en nuances, en sensibilité ? Le soi-même du snob ne prime-t-il pas sur le monde ?
Pour le dire autrement, le snob, s’il est sujet de philosophie, peut-il être philosophe ?

Comment distinguer une « snob attitude », petit travers développé par tout à chacun, à un moment donné, du snobisme – attitude plus récurrente, massive, généralisée ?

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Etat de snobisme avancé  ?

Le bilinguisme, un peu d'humour...




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