mardi 15 septembre 2015

L'intelligence du changement, Pascal Chabot s'entretient avec Martin Legros



La « découverte d’une résonance
est toujours un événement. » 
Pascal Chabot. 1*


Pascal Chabot - 30 août 2015 - Les inattendues de Tournai
Photo : Virginie - Le Chêne parlant






Qu’est-ce que la transition ?

Tout comme le présent se vit dans l’instant, la transition est un passage flou, suspect d’imprécisions.  Un intervalle séparant deux états, celui d’un hier à venir et d’un demain toujours embryonnaire, à construire. Il n’est pas certain que ceux qui vivent ce moment – jugé rétrospectivement comme historique - en ressentent, à la manière d’un animal saisit dans l’eau glacée, distinctement les effets ou même parviennent à en saisir toutes les dimensions.

   C’est qu’un nouvel usage de la transition sonne comme une injonction. Celle d’une attitude positive et  énergique à tenir face à une économie de marché sur-dynamisée. Une sorte de "There is no alternative" nous enfermant dans l'imposition de décisions subies. Dans cette mondialité se transformant à grandes enjambées, il s’agit de plonger dans le train en marche. De sauter, de s’accrocher… coûte que coûte.
Traduction littérale : quoi qu’il vous en coûte et plus encore quoi qu’il en coûte à la société. (Saccage des terres, destruction massive des espèces animales et végétales, pillage des ressources non renouvelables, annihilation du vivre ensemble et du commun : échanges de pratiques et de savoirs culturels, rapports sociaux, j’en passe et des bien tristes...)
Ainsi, "Partout où l'esprit européen domine, regrette Pascal Chabot, voit-on apparaître le maximum de rendement."


Pascal Chabot - 30 août 2015 - Les inattendues de Tournai
Photo : Virginie - Le Chêne parlant

Il s’agit, effectivement, de pousser toute chose à son extrême. D’aller encore plus loin. De faire plus. Toujours plus fort. Or cette politique de la croissance forcenée est-elle tenable ? Ne porte-t-elle pas en elle les germes d'une certaine folie ? D'un délire ?
Dans ce contexte borné par les intérêts économiques à courte vue, quelle est la latitude du citoyen ? Le refus, l'opposition ne feront-ils pas passer le sceptique pour un immobiliste ? Un atrabilaire de mauvaise foi ? Un empêcheur de progresser en flèche ? Pire, un dangereux terroriste ?

Le philosophe, vous l’aurez compris, milite pour une déconstruction du « Maxima ».
"Je suis pour une pédagogie de l'équilibre." explique-t-il avec une douce fermeté.
Effectivement, au sein de cette société vendue comme la moins pire des solutions, comme la seule voie possible, Pascal Chabot, philosophe, auteur de « L’Âge des transitions » et Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie magazine s’interrogent et mieux encore nous interrogent.

Écoutons...







Vidéo 2 : 

Quelle place laisser au collectif ? Pense-t-on mieux seul ou à plusieurs ? Comment faire exister l'autre ? Voici le sujet abordé dans l'excellent philosophie Magazine de ce mois. 
La chose n'est pas si évidente. Penser à plusieurs peut s'avérer constituer une dangereuse illusion, indique Jean-Luc Marion. "à plusieurs, on ne pense plus, puisqu'on commence par trop admettre." Le risque réside en la répétition d'une parole collective, commune donc, dans tous les sens du terme. Convenue. Au royaume des évidences, toutes les idées s'accordent au même diapason. Ou se situe alors la rupture ? interroge ce dernier. 
Barbara Cassin, Vincent Descombes, Karol Beffa et Cédric Villani. Le médaillé Fields indique comment "Timothy Gowers, avec son projet Polymath, est-il parvenu à faire collaborer, via Internet, plus de mille personnes pour démontrer un théorème.[...] Nous avons été plus efficaces et mieux informés à plusieurs." Comment ont-ils fonctionné ? "Certaines personnes "leaders" - explique-t-il - se dégageaient, rassemblant les points principaux de l'architecture. Progressivement, on élaborait collectivement la solution." Néanmoins, précise-t-il, cela n'exclut pas des moments de digestion et de rumination des résultats dans une extrême solitude." La pensée chemine par des voies multiples, sans que l'on s'en rende toujours compte. [...] Pour ma part, les trois quarts de mes résultats importants ont été obtenus en collaboration." 
Mais cette collaboration n'a-t-elle pas quelques revers ? N'engendre-t-elle pas un certain anonymat ? 
 Une chose est sûre, actuellement, explicite Pascal Chabot dans la vidéo, les grandes figures se font rares. Dans cette société d'individus "On est de plus en plus méfiant vis-à-vis des incarnations." 
Heureusement pour les philovores et autres livrophiles - devrais-je dire librophiles -  dévoreurs de pensées, nous reste-t-il Hannah Arendt *.  "L'un des caractères les plus fondamentaux de la condition humaine est sa "pluralité", écrit-elle. 
De quoi ravir le "On est très multiple." de Pascal Chabot.


Vidéo 3 :

Philomag : « Pense-t-on mieux seul ou à plusieurs ? » Cette question, Philosophie Magazine l'a posée deux fois. D’abord à un philosophe solitaire en son salon, Jean-Luc Marion. Ensuite à quatre intellectuels autour d’une table, Barbara Cassin, Cédric Villani, Vincent Descombes et Karol Beffa..." La réponse risque de vous surprendre... 


Vidéo 4 :

Quel poids de la démographie au regard du changement climatique ? Comment prendre en compte le mouvement du transhumanisme ?
Voici les réponses données par Martin Legros et Pascal Chabot aux questions des auditeurs.



Vidéo 5 :

"Partout où l'esprit européen domine, on voit apparaître le maximum de rendement." Nous dit Pascal Chabot. Pousser toute chose au maximum . Aller encore plus loin. Faire plus. Toujours plus loin. Toujours plus fort. Cette politique de la croissance est-elle tenable ? Ne porte-t-elle pas en elle les germes d'une certaine folie ? D'un délire ? Pascal Chabot milite pour une déconstruction du Maxima. "Je suis pour une pédagogie de l'équilibre." explique-t-il avec une douce fermeté. Écoutons...




Vidéo 6 :

En Californie, les panneaux solaires ont été enlevés pour cause de profit. 
Il peut y avoir usurpation du changement.




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Note de haut de page :

1 * «  Ce sont les rencontres qui font l’intérêt de la philosophie. Cette entité nébuleuse s’est attirée tant de reproches qu’on peut se demander s’il faut lui consacrer du temps. Mais voilà qu’une complicité s’installe. Elle paraît peu de chose. En regard des solides raisons de délaisser cette discipline, une rencontre a peu de poids. Et pourtant, elle change tout…

La découverte d’une résonance est toujours un événement. » 



Pascal Chabot - 30 août 2015 - Les inattendues de Tournai
Photo : Virginie - Le Chêne parlant



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