vendredi 17 août 2018

Stéphane Hirschi – La chanson française, une esthétique du double langage ?

La chanson n’est-elle qu’un air fixé par des paroles ?
Certaines chansons populaires, quasi poétiques, n’évoquent-elles pas plus que ce qu’elles  disent ? Les hit-parades ne méritent-ils pas d’être étudiés ? 
Stéphane Hirschi décode les chants ordinaires, analyse la richesse de morceaux trop ressassés pour ne pas faire l’objet de chantonnements réflexes, trop entendus pour être réellement écoutés.

Certaines chansons – extrêmement efficaces – parviennent, en effet, à créer des émotions fortes. Ces créations regorgent de paroles faciles à mémoriser, de musiques aisées à fredonner, le tout enrobé de sentiments vécus par tous.
Le procédé créatif semble simple. Basique. Ordinaire. Facile. Est-ce vraiment le cas ?
C’est que tout ne tourne peut-être pas aussi rond qu’un disque vinyle sur une platine... Les mots d’allure ordinaire creusent parfois des sillons subtils et le diamant des énoncés pailletés peut scintiller de paradoxes fascinants.

Le premier d’entre eux est la « posture de l’imposture ». Tout simplement, le chanteur se situe tout entier dans son discours, qu’il veut sincère, alors qu’il évoque un passé révolu. Pour ce faire, il se doit d’effacer les décalages séparant la réalité présente de la scène d’hier.
Citons, pour exemple, Claude François où la nostalgie douloureuse des amours passés regorge d’invocations joyeuses.  Au reste, ce paradoxe des opposés réunis dans une même phrase est souvent utilisé au sein des chansons. C’est l’idée d’un chanteur détaché, pourtant extrêmement impliqué dans l’événement qu’il rapporte. C’est la présence d’un discours désespéré néanmoins jalonné de souvenirs heureux, d’instants foncièrement positifs. 

Ainsi les textes sont-ils truffés de pensées antagonistes : désespoir / joie. Instants perdus/retrouvés.
Mais ceci va, bien entendu, plus loin que la simple apposition / réunion de deux sentiments opposés.  A l’utilisation des décalages temporels – ironie de l’affirmation d’un « pour toujours » qui n’a plus lieu d’être, s’ajoute une érotique de la présence / absence, c’est-à-dire  la mise en œuvre d’une esthétique ambiguë où la personne disparue reste vivante et demeure envoûtante malgré tout.

Ici, contre toute attente, aucune nostalgie complaisante, donc.





Merci à Stéphane Hirschi de son aimable accord ainsi qu’à celui de Stéphane Chaudier.   
Merci à Agnès Rabineau, organisatrice des passerelles culturelles à la médiathèque du Vieux Lille

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