La maîtrise n’est pas de lenteur mais de précision. Millimètre par millimètre. Mouvement après mouvement, comme une note posée à l’endroit parfait des profondeurs. Là. Lourde de suspensions. Lucidité faite de vibrations alternées. Appel aux chants de la mémoire. Vague passagère chargée de tensions extrêmes. Il s’agit… de… tenir la nuance. Un rien féroce. Sans langage – ni lumière – mais d’envolées criées ; un moment simple appuyé – creusé au milieu des consciences - un appel laissé comme une arme jetée sur le récit perdu des réalités âpres.
dimanche 17 mai 2020
jeudi 23 avril 2020
Le rêve. Texte écrit en 2010 pour un livre incertain.
Le rêve
Une nuit, alors qu’il avait
dormi peu et pourtant trop, déjà…
Depuis la fac, il avait peu à
peu développé la faculté de dérouler, avec une précision remarquable, la bobine
du cinéma nocturne. Un matin, par exemple, au sommet de sa forme, il avait
détaillé sa nuit très lucidement. Ses intervalles lourds et tranquilles, ses
périodes paradoxales et agitées. Il avait acquis la faculté d’être
l’observateur de lui-même. Le chercheur expert de son propre moi. Il avait rêvé
trois fois, accédé à chaque histoire, intensément, lucidement. Il avait
considéré chirurgicalement, d’une façon critique les trois histoires/ une
longue/ deux courtes/ splendides ou lugubres/ extraordinaires/ qui avaient
jalonné son sommeil. Ça l’avait mené de la brousse sauvage aux vestiges de
l’univers jusqu’aux trottoirs sordides d’un quartier délabré. Au réveil, il
avait pris l’habitude de consigner dans le petit carnet spirale l’étendue de
ses impressions, ses chocs, ses émotions. Ce travail intellectuel eût pour
conséquence immédiate d’améliorer considérablement sa mémoire. Aucune parcelle
de son inconscient, aucune pensée n’échappait à sa vigilance. Puis/ depuis peu
/ une compétence intellectuelle se développa plus encore. Concrètement, il
n’était pas rare qu’il se déplace physiquement dans ses rêves. Libre d’esprit
et de ses mouvements, il s’introduisait comme le visiteur d’un musée ordinaire
au sein même de ses chimères.
A force, le champ de sa volonté
s’était élargi considérablement : il insufflait à son inconscient la
direction à suivre, la voie à emprunter. Avait-il envie de voyager ? Qu’à
cela ne tienne : il visitait New York ou Bali, il nageait dans un lagon ou
flottait sur la mer rouge, il grimpait sur des baobabs ou traversait le désert
de Gobi. Lui prenait-il l’envie de voler ? Rien de plus simple : il
braquait son esprit en un point creux, tendait à l’extremum la volonté du vide…
En un centre. Sans pensées. Lourd. Grouillant de matière. Plein d’énergie. Le
vide et le néant. Le tout… et il décollait… Il venait d’atteindre une maîtrise
de soi hors du commun. Des sommets d’autocontrôle. Il passa alors les moments
les plus fantastiques de sa vie. Dans les rêves, l’irréalité se
matérialise.
Il est certain qu’avec de telles
dispositions/ à quelques rares exceptions / il passait des nuits
extraordinaires. Il limitait les désagréments.
Cependant, il aboutit/ sombre
présage/ par deux fois sur un cauchemar. Celui là même qu’il avait encore
renouvelé hier. Le bâton froid de l’effroi venait entraver les rouages huilés/
mécaniques/ de ses nuits. Il n’avait rien modifié pourtant. Le rêve se
déployait dans l’univers convenu et cadré du bureau d’archi. Rien de plus normal, à première vue. Il avait
conscience qu’une autre façon d’enjamber la vulgarité bornée de la vie
quotidienne est de la penser, la modifier et pourquoi pas de la sublimer. Aussi le
bureau de ses rêves était-il distinct de l’ordinaire : déraisonnable,
extravagant. Assez divertissant et attrayant, finalement. Sans conséquence.
Sophia jouait au piano des compositions harmoniques. Elle dégageait une joie
sensuelle combinée à des vibrations complexes, spirituelle. Son souffle. La
coloration. La friction des voix se mariait à l’excitation distillée par la
musique. C’est ensuite que tout basculait inexplicablement.
Il marchait vers ?… vers l'inconnu… Un chemin serpentin gris caillouteux se déroulait à l’infini
sous ses pieds… Un glissement… Autour de lui, la nuit se faisait ténèbres. Des
nébulosités opaques, lourdes et angoissantes, effrayantes, l’agressaient avec
violence. Il se mettait à courir. Une seule idée : fuir/ partir/ filer/
s’échapper, le taraudait. Le cœur claquait à tout rompre. Puis, soudainement,
la chute… Un précipice… Il se trouvait dans un autre lieu. Une cage d’ascenseur
profonde et ténébreuse le plongeait dans un abîme. Un gouffre noir et
oppressant, sans fond. Il croyait pourvoir surmonter cette peur mais, non… rien
à faire… il disparaissait / la descente semblait interminable, exponentielle,
inexprimable/ le froid, la profondeur. La peur. La terreur. La mort.
Inextricable. Si prégnante. Le néant !
Ça s’empare de l’âme, le
néant !
Ça étrangle, ça asphyxie, le
néant !
Se réveiller ! Il se
retrouvait assis dans son clic clac, les yeux exorbitants. Le dos en nage.
Tremblant et vacillant.
Brisé.
Plonger
dans l’oubli. Vite !
mardi 21 avril 2020
Jardin secret, poème rédigé pour le pianiste Yann Crépin
Merci à Yann Crépin de sa confiance concernant mes textes.
Jardins secrets
Au creux des jardins, sous les arbres ciselés de
soleil, l’amour s’allonge sur l’herbe vagabonde. Sentiments aux mains croisées
derrière la nuque. Endroit, où, posées au bord du vert, les pensées étales s’enveloppent
d’herbes folles, où les jambes aux humeurs calmes accueillent le sol pour mieux
soulever l’aridité des jours, où les paupières intérieures ont le ciel pour
terrain de jeu, où tout ce qui compte n’est ni de la conquête ni de l’avancée
mais de l’ordre du toucher… Sensations ralenties au temps des vents légers. Eveil
d’un insecte heurtant la joue. Vol d’un papillon contaminé de couleurs. Courbe
d’un blé effleurant l’espace. Comme ça. Là. Présent. Entre douceur ouverte et
respiration volée aux instants mêlés... Aussi, lorsqu'on y prête attention, lorsqu’on
s’arrête, on entend la parole de l'eau qui crépite sous la terre. Ce n'est ni
un chant, ni un murmure mais l’écoulement flûté des moments précieux. La
fluidité cristalline des souvenirs frappants. L’inspiration d'un paysage soufflé
de lumière - enragé – perçant un fin voile de brume. La nuée Alizé des consciences
adossées aux vertiges... L’épaisseur moelleuse des profusions chlorophylles qui
s'évaporent dans l'air et fermentent la mémoire d’alchimies serpentines.
dimanche 19 janvier 2020
La sagesse de soi
Parfois,
laisser courir les brumeurs permet de laisser surgir les ondulations radieuses.
Ce n’est point de la lâcheté mais au contraire, développer une fidélité crasse au
chant du chaos. En ce cas, l’élévation
des tonalités brusques et remuantes suppose de vivre les noirceurs toujours là,
encore, incrustées avec souplesse, On
appelle cela dépassement. Sagesse. Etat de pleine conscience. Plénitude. Est-ce
cela la sagesse ? Rien n’est moins sûr. Le dépassement suppose une
solidité intérieure. Une conjonction du bas et du haut. Une adhésion au tendre
et au dur. Un saut qualitatif. Un oubli. Une foi inalliable en l’avenir.
Or quel penseur digne de ce nom revendiquerait
cela ? Qui peut se dire, « oui, certes, le monde est tel qu’il est mais
je l’accepte ainsi » ? Personne – mis à part un fou ou un adepte du
développement personnel (expression pléonastique) voire encore un idéaliste. Or,
si le fou est enfermable dans le champ de ses pensées, l’idéaliste, lui, détient
une folie auto-persuasive pathogène, celle de croire en l’avènement de ses espérances.
L’homme du « lâcher prise » pris dans cet étau effroyable d’une réalité qui l’étouffe et d’un idéalisme inatteignable
finit donc par se débarrasser de tous sentiments. Etat qui le rend - à tort - supérieur. Et lui confère en réalité une distance
étrangère à la vie. Sa situation supposée de vivant n’est que négation. Négation
de vivre avec un autre (le moine est familialement solitaire – le contraire lui
causant bien trop d’ennuis), négation d’une quotidienneté attardée et abêtissante (le
moine préférant les échanges programmés à heures fixes).
En ce sens, toute porte-monnaie salvateur est un leurre.
En ce sens, la réponse est en vous.
Inscription à :
Articles (Atom)