Dans le contexte de la société paternaliste des années 1970, l’individu se positionnait comme acteur de son émancipation, revendiquant la liberté, l’affirmation de soi et la reconnaissance de sa singularité. Ces aspirations, portées par les mouvements sociaux et intellectuels de l’époque, apparaissaient comme une rupture nécessaire avec les normes collectives contraignantes héritées d’un ordre moral traditionnel. Inspirées notamment par les écrits de Michel Foucault sur les dispositifs de pouvoir, ou d’Herbert Marcuse sur l’homme unidimensionnel, ces idées nourrissaient l’idéal d’un sujet autonome, affranchi des logiques d’uniformisation.
Or, paradoxalement, ce qui semblait constituer un progrès vers l’individuation et la diversité semble aujourd’hui réabsorbé par un nouvel ordre social où l’apparente célébration de la différence cache parfois une nouvelle forme de normalisation : celle d’une individualité standardisée, instrumentalisée par les logiques marchandes et les technologies de contrôle. Ainsi, le culte de la singularité peut, dans certains cas, se transformer en injonction à « être soi » selon des modèles préétablis, réduisant la liberté à une simple variable d’ajustement au sein d’un système de domination imposé de l'intérieur.
Ainsi, le culte contemporain de la singularité, loin d’être l’aboutissement d’un processus d’émancipation, pourrait bien masquer une nouvelle forme d’aliénation où l’individu, sommé d’« être lui-même », se conforme en réalité à des modèles normatifs subtilement imposés. Et si, sous couvert de diversité et d’autonomie, nous assistions à une uniformisation d’un nouveau genre, plus insidieuse encore que celle dénoncée dans les années 1970 ? Et si, finalement… c’était tout l’inverse ?
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