samedi 4 novembre 2017

Michel Onfray, L’Esthétique du Pôle Nord, quand les pierres chantent avec la pensée.

Etna le 31 juillet 2017  

Il faut savoir regarder. Savourer d’un œil patient un paysage apparemment aride afin d’en percevoir les nuances. Observer l’insignifiant, et, peut-être à la manière du philosophe Vladimir Jankélévitch, restituer le prix de l’a-peine perceptible.
Dans un livre poético-personnel, L'esthétique du Pôle Nord, le philosophe Michel Onfray parvient admirablement à faire sentir la nudité complexe du Nord aride.
Première partie :

Tout au long du sol aux nuances rocailleuses, découverte de l’abrupt. Y aurait-il une leçon du minéral ?
Peut-être... Au moins, sans conteste, une profusion d’intensités. C’est-à-dire des nuances où le vide est plein de contrastes, où les pierres s’empilent en cairns de symboles. Tout au bout du froid et du rêche,  tout au fond des gerçures profondes où les mains crissent lors du mouvement  des doigts, il y a la douleur, bien sûr – évidement - mais aussi le chant et la glace, là où des blocs d’énergie féroce craquent aux poussées de l’instant.



Éloge du regard posé sur l’insignifiant : La valeur d’un silence, la présence solide et  physique d’un père que l’on voudrait éternel.  Et ce parcours, oui, ce parcours, bien sûr d’un extérieur extrêmement intérieur, au bord des infimes signifiants.                                               
Deuxième partie :

Critique à l’égard des dominations de tous poils, la colonisation des esprits. Place à une histoire de déportation révoltante où le déplacement massif des populations dans des villages factices, a fait perdre aux individus tout lien avec l’esprit des lieux, interdit toute poursuite du gibier au fil des saisons, où le massacre en meutes des chiens devenus inutiles a laissé le goût amer des âmes égorgées sur l’autel de la nécessité.

Retour sur une colonisation ayant débuté au 19ème siècle, avec l’arrivée des Frères Moraves. Et surtout, l’apprentissage d’une écriture imposée par l’autre. « L’alphabet chrétien ouvre la porte à la colonisation… ».  Fini, donc, l’apprentissage construit dans un temps long. S’articulant dans un savoir ancestral, se diffusant doucement, tout en parole acétique.
 Dans cette modernité, pas de pensée nomade : l’économie n’est ni de richesse intérieure ni en adéquation avec la lente maturation du paysage mais d’avoir et de calcul.
La population sédentarisée doit se plier, se courber, chanceler sous les injonctions dominatrices :
Se mouler dans une école importée en bloc, une vision occidentale, celle de la rapidité où il s’agit de suivre un programme imposé au sein d’un emploi du temps rigide. Même l’apprentissage devient un lieu de calcul. Le philosophe développe ce point dans La communauté philosophique où – explique-t-il -  les coefficients attribués aux différentes disciplines – du moins en France -  orientent les choix des élèves vers les matières les plus « rentables ».

Mais ici, dans ce lieu sans offre d’emploi, quoi de rentable ? Quel apprentissage ? Quoi faire une fois son diplôme en main ou en poche ? Lieu perdu où il se trouvera plié en quatre, désormais.
Quel choix ? Si ce n’est celui de l’attente. Du vide.  Comment ne pas se noyer d’alcool ? Comment s’en sortir ? Quels engagements du corps et de l’âme ? Quelle émancipation ? Quel sentiment d’appartenance ? Quel « humus des ancêtres » ?, pour reprendre une formule chapardée dans Le recours aux forêts
Le philosophe a « l’âme d’une pleine  cargaison de révolte. »
                    
 On comprend.


Cairn

-----------------------


2 commentaires:

  1. Ce livre très personnel m’avait également beaucoup touché…
    Nous comprenions aussi l’ambiance de ses terres de l’extrême ; « Les Aventures de la raison », peut-être…

    http://fotoforum.fr/photos/2017/11/09.2.jpg

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Des biographies communes marchant sur la glace du ciel, là où le blanc silence fait loi.

      Supprimer