Jean-Richard Freymann et Cynthia Fleury
Photo : Virginie Le chêne parlant
Qu’est-ce que l’individuation ?
L’individuation est une tentative
d’être responsable.
Une tentative d’irremplacibilité…
Ce qui n’a rien à voir avec un
égocentrisme démesuré. La question touche à la singularité. « C’est prendre
sur soi la part d’accès au réel. »
Alexis de Tocqueville a posé une « Equation
des travestissements démocratiques ». Ce dernier a saisi que dans la démocratie, la
démocratie occidentale, un principe se transforme en passion. Passion de la liberté, exercice de toute
puissance. Principe de l’égalité, passion de l’égalitarisme.
Alexis de Tocqueville, précise
Cynthia Fleury dans « Les pathologies de la démocratie : « a en effet, mis le doigt sur le phénomène – typiquement
démocratique – de l'assimilation entre liberté et libéralisme, entraînant la
dissolution progressive de la notion d'intérêt général, ou encore de ce que
Robespierre appelait « la morale publique ». Il a parfaitement vu que le
citoyen, pour mieux s'individualiser, pratiquerait la surenchère des
valorisations identitaires et sécessionnistes. Edgar Morin l'a lui aussi
souvent souligné : l'individuation n'est pas l'individualisme. Et seule la
première est au fondement des démocraties naissantes.»1*.
Principe d’individuation où la passion
de l’individuation devient l’individualisme. La
philosophe ajoute : « Entre
démocraties naissantes et démocraties adultes, la conception de l'égalité s'est modifiée : aujourd'hui, on n'est pas
« égal » parce que similaire, on est « égal » parce que
différent. Si pour Tocqueville, « le fait majeur » des démocraties
était l'effacement des distinctions » [Serge Audier, Tocqueville retrouvé. Genèse et enjeux du renouveau tocquevillien français, Paris, Vrin/ EHESS, 2004, p 71] , il n'en va pas de même pour tout observateur du régime démocratique actuel :
le « fait majeur » renvoie à la cristallisation et à survalorisation
des différences culturelles et identitaires. Le projet est sans nul doute
séduisant – le droit à la différence étant un principe démocratique essentiel
-, mais les risques de segmentation de la société s'en trouvent aussi
démultiplié. » 2*
Dans cet univers d’égalisation, la
plus petite inégalité – s’étonne Tocqueville - blesse l’œil.
Connais-toi toi-même ça veut dire :
tu n’es pas monde… Tu es manquant. Comment sublimer ce manque ? En faisant
lien. Lien avec les autres, lien avec soi-même. Il s’agit également de devenir «
adulte … être soi-même en autolimitant le déploiement de ce
« soi-même » ; en un mot,
surveiller sa toute-puissance. »3*
Extrait numéro 1 de la rencontre
de Cynthia Fleury et Jean-Richard Freymann
"Connais-toi toi-même mais
connais tes limites"
ayant eu lieu lors de la manifestation
strasbourgeoise des "Bibliothèques idéales" -
incertitudes du 20
septembre 2015.
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Cynthia Fleury, Les pathologies de la démocratie, Fayard,
2005, ISBN : 2-213-62322-8
1*
p 105.
2*
p 82- 83.
3* P108 : « Ainsi, atteindre
l'âge adulte, c'est assumer la singularité de sa personnalité sans peser sur
celle des autres, comprendre que le « souci de soi » passe par la
découverte de sa nuisibilité naturelle. Être adulte c'est être soi-même en
autolimitant le déploiement de ce « soi-même » ; en un mot, surveiller sa toute-puissance. »
P
104 : De fait, Antoine Rédier, souligne que Tocqueville, contrairement aux
libéraux, juge nécessaire que tous les esprits soient astreints à certaines
limites dans le domaine spirituel, de sorte que la société demeure unifiée par
des croyances communes.
PP
104- 105 : Note bas de page : Je nous crois spontanément tous
« libéraux » et de droite : nous avons tous le souci naturel de
veiller à notre préservation, de nous préférer toujours à autrui sans réelle
mauvaise intention, de faire tout ce qu'il y a en notre pouvoir – au risque que
cela entre en concurrence avec l'intérêt d'autrui – pour nous
« conserver » de la meilleure des façons possibles. Dans sa version digne
et impérative, cela s'appelle le conatus, cet « appétit de vivre »
qui, selon Spinoza, s'identifie à l'appétit de soi. Mais si naturellement
« libéral » et de droite fait sens, je vois mal comment cela fait
sens politiquement, voire intellectuellement. A moins d'œuvrer à faire en sorte
que ce souci primordial tourne à la caricature. Bref, de ce point de vue, je
perçois mal la pertinence et la valeur politiques de voter à droite. Faire de
la politique, résister au libéralisme ou voter à gauche n'est-ce pas considérer
que le travail du politique consiste précisément à rééquilibrer les tendances
naturelles et à veiller à ce que le naturel ne dégénère pas ? Faire de la
politique, c'est lutter contre l'entropie naturelle et non la renforcer.
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Vidéo 2 :
Qu’est-ce que le courage ?
Quand le chemin de l’érosion est
interminable, vous devenez vulnérable.
Vous n’êtes même pas une
ressource pour vous-même. Or le courage – contrairement à ce que l’on entend
souvent - a un effet de protection du sujet.
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Vidéo 3
« Nous sommes d’un âge
immense. » Gustave Young
Un individu est capable de circuler
dans le temps, de faire lien avec le passé.
Le terme d’individuation est
intéressant car il est en face à face avec celui d’individualisme. On se dit
tiens… pourquoi individuation et pas individualisme ?
L’individuation est ouverture, l’enjeu
de la personne confine à celui du lien. Il y a des jeux de force.
Vidéo 4 :
La base de la juste individuation, c’est la bonne compagnie.
S’étonner. Parler.
Développer un jeu de paroles. Dialoguer afin de bâtir du monde commun.
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