dimanche 27 août 2017

Alexandre Jollien - devenir ce que l’on n’est pas.



Syracuse -  Sicile juillet 2017


Entre Montaigne et Alexandre Jollien, un point commun : celui de célébrer la pensée.

Les compères ne se laissent pas duper par des raccourcis, s’opposent aux lois classiques, et - telles les perruches à collier Houdini - s’évadent des cages où l’on veut les confiner. Ces impertinents parlent même de gaieté de penser, de pur plaisir de philosopher, et – pleins de prétentions futiles  – se payent le culot de bifurquer des chemins tracés.
Escapade dans l’univers de la réflexion…
Alexandre Jollien, par l’écriture de l’« Éloge de la faiblesse, La construction de soi. Le métier d'homme. Le philosophe nu. » a brisé sur l’enclume du réel la validité des tests passés. 
L’agrégé de philosophie non seulement s’est extirpé de l’avenir médiocre qu’on lui avait prédit « Moi, vu mon état physique, révèle Alexandre Jollien dans son premier livre intitulé « Eloge de la faiblesse », on avait projeté que je roule des cigares, c'était à peu près tout ce qui était disponible... » mais le penseur a fait émerger un énorme malaise.
Que voulez-vous, il est des êtres singuliers.
Comment, en effet, cet homme - a priori comme les autres - a-t-il pu se soustraire à la conjuration des évaluations ? Comment a-t-il pu s’extirper de cette dictature qui vous éduque, vous enferme, vous encadre, vous enseigne : « Je sais qui tu es. »  «  Je vais te dire qui tu es. »
Comment, devant la poignée d’individus imposant aux autres la seule façon de réfléchir, et face à la masse de ceux cédant à leurs injonctions, a-t-il pu opposer un troisième type de personnalité ?   
Une espèce Irritante - donc infiniment précieuse – celle des hommes rétifs aux prescriptions tyranniques.
Retour sur histoire :
Suite à une motricité affectée par un cordon ombilical enroulé autour du cou lors de la naissance, des spécialistes soucieux du devenir du jeune Alexandre Jollien, firent passer à l’enfant toute une batterie de tests. Procédure classique. Evaluations ordinaires consistant à cerner l’intelligence à coups d’exercices. La chose va très vite : on allie la réponse « normée » à la vitesse du chronomètre. Après un rapide calcul, on obtient un nombre impossible à falsifier : résultat de  règles implacables car mathématiques, ce coefficient - mis en regard de la moyenne de tous les tests pratiqués sur un échantillon représentatif d’une population donnée - est tout à fait fiable.
Ordinairement, ces mesures agissent sur l’esprit comme un charme d’effroi : laissent le sujet, là, planté, à observer le résultat, à le scruter, à l’étudier, à le méditer ad infinitum. Leur objectivité garantit avec évidence les limites intellectuelles ou le « haut potentiel » de l’individu expertisé. Leurs conclusions sont un principe, une évidence, un ordre, si puissants qu’il semble impensable de les remettre en cause. Il en résulte une impossibilité de s’y soustraire. La donnée numérique, se fait la hauteur, devient physique vous empêche de vous redresser, de vous dresser, tant et si bien que la pensée elle-même s’y fracasse le nez.

 « La tentation devant une personne handicapée – dénonce l’intellectuel - c'est de l'enfermer dans une catégorie.»

Fort heureusement, Alexandre Jollien n’a pas voulu se réduire à la position qu’on lui avait assignée. Le philosophe s’est refusé  à admettre ce qu’on lui avait prouvé.
Non seulement - signe peu ordinaire – ce dernier a refusé de s’adonner au  roulage des cigares – activité sympa où il est possible de travailler tout en papotant – mais a eu l’outrecuidance d’oser penser avec insistance.

A la force de son expérience, l’écrivain nous invite à dépasser les barrières dressées entre la normalité et l’anormalité. 
 «… à dépasser le premier regard qui passe à côté de l'essentiel, bien souvent. »  à « sortir des préjugés » à opérer « une conversion du regard. » [1]

A nous réformer.

                       Et, espérons-le, à devenir ce que l’on n’est pas.



 Syracuse -  Sicile juillet 2017

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Article écrit pour le magazine en ligne Slow-Classes :




[1]              Alexandre Jollien, écrivain et philosophe, you tube.


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http://www.europe1.fr/emissions/integrale-qui-vive/qui-vive-comment-faire-de-necessite-vertu-2923691

samedi 19 août 2017

Offrandes à la pensée, Dorian Astor, dictionnaire Nietzsche


Dorian Astor, Les bibliothèques idéales 

Lors de la présentation du dictionnaire Nietzsche au Goethe-Institut de Paris avec Dorian Astor, Jean-Luc Barré, Raphaël Enthoven, Mériam Korichi, Enrico Müller, Arnaud Sorosina et Léon Wisznia, Il y avait un jeune homme nerveux, brûlant d’angoisse,  très touchant.  Ce dernier, se leva d’un bond,  n’osant pas poser sa question, n’ayant de cesse que de se confondre en excuses, bafouillant des explications, baissant la tête, ne parvenant pas exprimer le fond de sa pensée, s’excusant mille et une fois de son autisme, se reprochant indéfiniment de ne pouvoir retenir le nom des intervenants, lesquels, devinrent : pour Enrico Müller, « L’homme assis sur la chaise noire. »… Raphaël, « L’autre assis sur le fauteuil vert. » ou encore Dorian « Vous, assis à côté de l’homme sur le fauteuil vert » ; belle leçon d’humilité, s’il en était besoin… Enfin, après moult efforts et plus encore d’encouragements, ce dernier parvint à formuler son excellente interrogation. Il s’agissait – en effet - de comprendre quel lien unissait des interventions aux thèmes très éloignés les uns des autres et aux contenus – en apparence - très différents.
Silence religieux dans la salle.
Après avoir écouté la réponse, non sans regarder tout autour de lui, bouger les bras, n’y tenant plus, le jeune homme saisit son sac tout de go et se dirigea précipitamment vers la sortie. Dorian, contrant la fuite d’ombre et d’angoisse,  l’arrêta avant qu’il ne sorte et compléta sa réponse.  
De fait, le corps anxieux se posa et resta jusqu’à la fin.
La sensibilité est sans artifice.
Il y a eu, ce jour-là. A cet instant précis. Au cœur de l’échange. Un hommage à la fragilité, entre ciel et grâce. Un pur espace de  délicatesse. Une offrande à la pensée.



Dorian Astor et Mickaël Foessel



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mercredi 9 août 2017

Patrick Chamoiseau, L'intensité hybride


Patrick Chamoiseau 26 mars 2017 - 
Salon du livre de Paris


La poésique - étrange phénomène d'intensification des mots par la perception musico-poétique - est une révélation. Ou plus exactement, une élévation. 

Igor Mitoraj - La chute d'Icare - 
Agrigente Sicile  2-08-17

L'esprit vigilant de Patrick Chamoiseau passant - avec une fluidité peu conventionnelle du mot brut, au langage perception, au sensitif - déconstruit les frontières des catégories, se joue des boîtes et des frontières, nous voici donc propulsés dans une langue diffractée.
 Que peut faire le poète face à une situation tragique ? Aux camps précaires ? Aux réfugiés ? Aux naufrages ? Aux morts ?




Naufrage, Sculpture réalisée avec le bois des bateaux naufragés
 Noto - Sicile 1-08-17


L'écrivain interroge les subjectivités. « L’artiste représente une expérience individuelle face à la totalité monde ».  Brise les " zones de confort",  désarme, aiguise les regards, casse les clôtures de l'esprit par les "structures imaginaires".
La parole poétique permet, en effet, de réveiller les consciences. D’exprimer l’innommable par une stimulation sensitive. L'incarnation des chairs. Une gamme linguistique parlant à tous grâce à l’art composite d’une esthétique partagée, d’un surgissement, d’une beauté complexe.

                                                                  Bref, d’une intensité hybride.






Vidéo Salon du livre de Paris, le 26 mars 2017
Patrick Chamoiseau et Aliocha Wald Lasowsky




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Galerie Photos