Syracuse - Sicile juillet 2017
Entre Montaigne et Alexandre Jollien, un point commun : celui de célébrer la pensée.
Les
compères ne se laissent pas duper par des raccourcis, s’opposent aux lois
classiques, et - telles les perruches à collier Houdini - s’évadent des cages où
l’on veut les confiner. Ces impertinents parlent même de gaieté de
penser, de pur plaisir de philosopher, et – pleins de prétentions futiles – se payent le culot de bifurquer des chemins
tracés.
Escapade dans
l’univers de la réflexion…
Alexandre Jollien, par l’écriture de l’« Éloge de la faiblesse, La construction
de soi. Le métier d'homme. Le philosophe nu. » a brisé sur l’enclume
du réel la validité des tests passés.
L’agrégé de
philosophie non seulement s’est extirpé de l’avenir médiocre qu’on lui avait
prédit « Moi, vu mon état physique, révèle
Alexandre Jollien dans son premier livre intitulé « Eloge de la
faiblesse », on avait projeté que je
roule des cigares, c'était à peu près tout ce qui était disponible... » mais
le penseur a fait émerger un énorme malaise.
Que
voulez-vous, il est des êtres singuliers.
Comment, en effet, cet homme - a priori comme les autres - a-t-il pu se
soustraire à la conjuration des évaluations ? Comment a-t-il pu s’extirper de
cette dictature qui vous éduque, vous enferme, vous encadre, vous
enseigne : « Je sais qui tu es. » « Je vais te dire qui tu es. »
Comment, devant
la poignée d’individus imposant aux autres la seule façon de réfléchir, et
face à la masse de ceux cédant à leurs injonctions, a-t-il pu opposer un troisième
type de personnalité ?
Une espèce Irritante
- donc infiniment précieuse – celle des hommes rétifs aux prescriptions
tyranniques.
Retour sur histoire :
Suite à une
motricité affectée par un cordon ombilical enroulé autour du cou lors de
la naissance, des spécialistes soucieux du devenir du jeune Alexandre
Jollien, firent passer à l’enfant toute une batterie de tests. Procédure
classique. Evaluations ordinaires consistant à cerner l’intelligence à coups d’exercices.
La chose va très vite : on allie la réponse « normée » à la
vitesse du chronomètre. Après un rapide calcul, on obtient un nombre impossible
à falsifier : résultat de règles
implacables car mathématiques, ce coefficient - mis en regard de la moyenne de
tous les tests pratiqués sur un échantillon représentatif d’une population
donnée - est tout à fait fiable.
Ordinairement, ces mesures agissent sur l’esprit
comme un charme d’effroi : laissent le sujet, là, planté, à observer le
résultat, à le scruter, à l’étudier, à le méditer ad infinitum. Leur objectivité garantit avec évidence les limites
intellectuelles ou le « haut potentiel » de l’individu expertisé.
Leurs conclusions sont un principe, une évidence, un ordre, si puissants qu’il
semble impensable de les remettre en cause. Il en résulte une impossibilité de
s’y soustraire. La donnée numérique, se fait la hauteur, devient physique vous
empêche de vous redresser, de vous dresser, tant et si bien que la pensée
elle-même s’y fracasse le nez.
« La tentation devant une personne
handicapée – dénonce l’intellectuel -
c'est de l'enfermer dans une catégorie.»
Fort heureusement, Alexandre Jollien n’a pas voulu se réduire à la position
qu’on lui avait assignée. Le philosophe s’est refusé à admettre ce qu’on lui avait prouvé.
Non seulement - signe peu ordinaire – ce dernier a
refusé de s’adonner au roulage des
cigares – activité sympa où il est possible de travailler tout en papotant – mais
a eu l’outrecuidance d’oser penser avec insistance.
A la force de son expérience, l’écrivain nous invite
à dépasser les barrières dressées entre la normalité et l’anormalité.
«… à dépasser le premier regard qui passe à
côté de l'essentiel, bien souvent. » à « sortir des préjugés » à opérer « une conversion du regard. » [1]
A nous réformer.
Et, espérons-le, à devenir
ce que l’on n’est pas.
Syracuse - Sicile juillet 2017
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Article écrit pour le magazine en ligne Slow-Classes :
http://www.europe1.fr/emissions/integrale-qui-vive/qui-vive-comment-faire-de-necessite-vertu-2923691
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