Etna le 31 juillet 2017
Il faut savoir regarder. Savourer d’un œil patient un paysage apparemment aride afin d’en percevoir les nuances. Observer l’insignifiant, et, peut-être à la manière du philosophe Vladimir Jankélévitch, restituer le prix de l’a-peine perceptible.
Dans un livre poético-personnel, L'esthétique du Pôle Nord, le philosophe Michel Onfray parvient admirablement à faire sentir la nudité complexe
du Nord aride.
Première partie :
Tout au long du sol aux nuances rocailleuses, découverte de
l’abrupt. Y aurait-il une leçon du minéral ?
Peut-être... Au moins, sans
conteste, une profusion d’intensités. C’est-à-dire des nuances où le vide est plein
de contrastes, où les pierres s’empilent en cairns de symboles. Tout au bout du
froid et du rêche, tout au fond des gerçures
profondes où les mains crissent lors du mouvement des doigts, il y a la douleur, bien sûr –
évidement - mais aussi le chant et la glace, là où des blocs d’énergie féroce
craquent aux poussées de l’instant.
Éloge du regard posé sur
l’insignifiant : La valeur d’un silence, la présence solide et physique d’un père que l’on voudrait éternel.
Et ce parcours, oui, ce parcours, bien
sûr d’un extérieur extrêmement intérieur, au bord des infimes signifiants.
Deuxième
partie :
Critique
à l’égard des dominations de tous poils, la colonisation des esprits. Place à une
histoire de déportation révoltante où le déplacement massif des populations
dans des villages factices, a fait perdre aux individus tout lien avec l’esprit
des lieux, interdit toute poursuite du gibier au fil des saisons, où le
massacre en meutes des chiens devenus inutiles a laissé le goût amer des âmes
égorgées sur l’autel de la nécessité.
Retour sur une colonisation ayant
débuté au 19ème siècle, avec l’arrivée des Frères Moraves. Et
surtout, l’apprentissage d’une écriture imposée par l’autre. « L’alphabet
chrétien ouvre la porte à la colonisation… ». Fini, donc, l’apprentissage construit dans un
temps long. S’articulant dans un savoir ancestral, se diffusant doucement, tout
en parole acétique.
Dans cette modernité, pas de pensée nomade :
l’économie n’est ni de richesse intérieure ni en adéquation avec la lente
maturation du paysage mais d’avoir et de calcul.
La population sédentarisée doit se
plier, se courber, chanceler sous les injonctions dominatrices :
Se mouler dans une école importée en bloc, une
vision occidentale, celle de la rapidité où il s’agit de suivre un programme
imposé au sein d’un emploi du temps rigide. Même l’apprentissage devient un
lieu de calcul. Le philosophe développe ce point dans La communauté philosophique où – explique-t-il - les coefficients attribués aux différentes disciplines
– du moins en France - orientent les
choix des élèves vers les matières les plus « rentables ».
Mais ici, dans ce lieu sans offre
d’emploi, quoi de rentable ? Quel apprentissage ? Quoi faire une fois
son diplôme en main ou en poche ? Lieu perdu où il se trouvera plié en
quatre, désormais.
Quel choix ? Si ce n’est celui
de l’attente. Du vide. Comment ne pas se
noyer d’alcool ? Comment s’en sortir ? Quels engagements du corps et de
l’âme ? Quelle émancipation ? Quel sentiment d’appartenance ?
Quel « humus des ancêtres » ?, pour reprendre une formule chapardée
dans Le recours aux forêts.
Le
philosophe a « l’âme d’une
pleine cargaison de révolte. »
Ce livre très personnel m’avait également beaucoup touché…
RépondreSupprimerNous comprenions aussi l’ambiance de ses terres de l’extrême ; « Les Aventures de la raison », peut-être…
http://fotoforum.fr/photos/2017/11/09.2.jpg
Des biographies communes marchant sur la glace du ciel, là où le blanc silence fait loi.
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