Qui est Maximilien Robespierre ?
Nous avions commencé avec l’historien Hervé Lewers à nous interroger sur les facettes
du personnage imposées par l’histoire : celle de la légende dorée d’un
côté et, de l’autre, celle autrement plus sombre d’un odieux personnage certes
honnête, incorruptible, intraitable mais déterminé à l’excès et salement
arrogant. Bref, le sabre froid, méthodique et sans pitié, d’une machine de
guerre écrasante.
Jean Clément Martin -01-05-2016 -
Photo Virginie Chrétien - Le chêne parlant
Jean-Clément Martin poursuit la déconstruction du mythe.
Première nuance d’importance, rappelle-t-il,
La terreur, ne s’appelait pas « La
Terreur » du vivant de Robespierre. Seconde information essentielle, le
Terreur a été mise à l’ordre du jour de manière postérieure à sa mort. Troisième
point d’importance, si en février 1794, Robespierre parle de « La terreur
et la vertu », ce n’est que pour mieux opposer les deux termes. Effectivement,
Cynthia Fleury souligne également ce fait dans son excellent livre « Les
pathologies de la démocratie ». La philosophe écrit : « La République doit donc veiller à ce que le
Vice ne l’emporte pas sur la Vertu, et en cela, le contrat social est
indissociable du pacte moral. […] Si « la Morale est l’ultime garante
de la république. On ne s’étonnera évidemment pas des dérives totalitaires d’un
tel système, car à défaut de Morale, on
institue volontiers sa caricature, à savoir la terreur. »
Jean-Clément Martin poursuit en
nous mettant en garde contre les croyances instillées par les vainqueurs de l’histoire.
Ainsi nous invite-t-il à nous
interroger sur les réels pouvoirs du révolutionnaire… Que pouvait-il ? Que contrôlait-il ?
Afin d’illustrer son propos, l’historien reprend une anecdote significative : lorsque Robespierre
essaye de sauver Catherine Théo de l’échafaud,
ce dernier échoue. C’est qu’il n’est pas seul décisionnaire. Certes
était-il un acteur important, très influent de la révolution mais ceci –
insiste-t-il – ne saurait être confondu avec de la toute-puissance. Par
exemple, ajoute-t-il, il ne contrôlait-il plus les Jacobins.
Pire, martèle le spécialiste de
la révolution française, Robespierre récuse le phénomène de terreur, le dénommant dans son discours du 8 thermidor de :
« Système des despotes ».
Dès lors, que s’est-il passé ?
Pourquoi cette vindicte ? Cette haine du personnage ? en d’autres
termes, pourquoi cet acharnement ? S’agirait-il d’une construction, de la
fabrication d’un monstre fomentée par des protagonistes de l’histoire ayant
survécu à Robespierre ?
Une chose est sûre, Robespierre
avait conscience de ses ennemis. L’avocat les désigne même de manière claire et
explicite au sein du même discours : « Disons donc – proclame-t-il - qu’il existe une conspiration contre la
liberté publique ; qu’elle doit sa force à une coalition criminelle
qui intrigue au sein même de la Convention ; que cette coalition a des
complices dans le Comité de Sûreté générale et dans les bureaux de ce comité
qu’ils dominent »
Jean Clément Martin -01-05-2016 -
Photo Virginie Chrétien - Le chêne parlant
Mais un coup bas d’ennemis jaloux, autrement dit,
un retour de bâton d’esprits revanchards, n’explique pas tout. On peut s’étonner,
en effet, de ce retournement rapide d’opinion, de cette condamnation unanime, d’une
appropriation aussi forte et généralisée de la parole accusatoire. Car
Robespierre avait des amis tout de même et pas des moindres : le président
du tribunal révolutionnaire par exemple ou le maire de Paris, pour ne citer qu’eux.
L’événement historique n’est pas sans rappeler
les travaux menés par le philosophe René Girard sur le phénomène de « Bouc
émissaire ».
Effectivement, désigner un
coupable, ne pas questionner les responsabilités des survivants – met non
seulement ces derniers à l’abri du couperet de la justice mais – et sans doute
faut-il voir ici l’explication d’un silence unanime et complice – constitue un
moyen extraordinairement efficace et rapide de stopper un bain de sang devenu
insupportable à tous.
De quoi, malheureusement, entonner :
Au lynchage, citoyens !
Tournons la page marchons… Marchons !
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Ultime discours de Robespierre.
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