Les
nouveaux programmes pour l’école maternelle : quels enjeux ? Quelles
évolutions ? interroge Viviane BOUYSSE[1],
Inspectrice générale de l’éducation nationale, à Illfuth, le 13 octobre 2015.
Dans
une première partie, l’Inspectrice constate avec regret combien nombre d’élèves
dès l’école maternelle restent tenaillés par la peur de ne pas « donner la bonne réponse », « n’osent pas s’engager. », n’osent
pas « aller au bout » de ce
qu’ils font, font "L'expérience de
se vivre nul." Face à ces « émotions
négatives renvoyant, précise-t-elle en s’appuyant sur des recherches
récentes en sciences cognitives, à un mode de fonctionnement particulier pouvant
entraîner des dommages préjudiciables. ». Il est donc primordial de "Donner à chacun les moyens d'apprendre.",
susciter l’"Envie et plaisir
d'apprendre.", développer l'estime de soi - donner confiance – rappeler
combien "ils sont tous capables d'apprendre
et de progresser".
Pour
ce faire, il semble nécessaire, insiste Viviane Bouysse, de ne tomber ni dans l’
« Ecole du laisser grandir (structure pouvant être confondue avec celle d’une
« garderie » où la présence d’une
assistante maternelle suffirait) ni de s’aligner sur l’école primaire, école « primarisée »
(où les abstractions précoces régneraient en maître et où le contraindre à
apprendre favoriserait les familles déjà familières de ce type de dispositif, les
plus aisées donc.) ». Un parallèle, à l’école primaire, peut-être effectué
lorsqu’il s’agit de restaurer l’envie d’apprendre sans tomber dans le travers
du jeu pour le jeu – un jeu sans enjeux – soit une pédagogie du ludisme, de l’amusement.
Au reste, une modification d’intitulé dans les nouveaux programmes vient étayer
et conforter ce qui vient d’être dit. « On
est passé – poursuit Viviane Bouysse - du
domaine d’activité (2008) … au domaine d’apprentissage »
très significatif d’une évolution de l’école maternelle.
« En 95, il y a eu une lutte pour
distinguer l’école maternelle de l’école élémentaire. A l’époque, ce qui était
déterminant, c’était l’agir de l’enfant. Aujourd’hui, on sait que l’agir ne
suffit pas. » Ce qui importe,
développe-t-elle, c’est que l’agir débouche sur quelque chose, que cela
produise un effet attendu. « Agir
doit déboucher sur réussir. » Il s’agit donc de travailler avec les
élèves sur la conscience qu’ « Il y a un lien entre ce qu’il font, la manière
dont ils le font et la réussite. ». Nous arrivons donc au point
névralgique des nouvelles orientations, ce lien n’étant que celui du « langage qui va expliciter les conditions de
la réussite » Rendre la « Pensée
active », permettre de « Réfléchir
sur les modalités et les effets de l’action. » effectuer des « Relations entre ce que l’on fait et les
résultats de ce que l’on produit… »
Il
s’agit donc de développer les « Formes
d’oral qui permettent de réussir. »
Non
un « Langage en situation »
car « En situation, il n’est pas
difficile de se faire comprendre. » mais un « Langage décontextualisé, « oral
structural », langage en commentaire de l’action. » Ce langage
détient des caractéristiques de l’écrit. Au sein des programmes, cet objectif d’apprentissage
est repérable dans certains termes employés comme : « Raconter – Décrire - Évoquer – Questionner
– Proposer des solutions - Discuter un
point du vue… »
Dans cette revalorisation de l’oral, les nouveaux programmes ré-insistent sur ces activités
liées à l’oral structural.
a)
Approche
intégrée. « Les enfants expérimentent le langage même quand il n’est pas
explicitement travaillé. » Langage en accompagnement de l’action
« J’ai fait comme ça. » => il s’agit de mettre en mot le geste
afin de le comprendre.
Ici
l’enjeu, c’est la précision du langage. Le langage est un outil pour le reste.
b) Langage structuré : langage
étudié en tant que tel.
ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
Conférence de Viviane Bouysse du 14/11/12 -
Entrer dans l'écrit en maternelle - Auditorium de Douai.
"L'oral écrit n'est pas un oral spontané mais un oral structuré."
Rendre les enfants conscients qu’on n’écrit pas exactement comme on parle. Développer une conscience syntaxique – quel est le bon ordre des mots dans une phrase - est une aide.
De même, Emilia Ferreiro dit - presque mot pour mot : « On n’écrit pas comme on parle, on n’organise pas les mots de la même façon. » 2) - p 8.
La chercheuse insiste : « Il est nécessaire de déstabiliser l’adulte pour qu’il abandonne cette idée naïve qui correspond à la vision séculaire suivant laquelle l’écriture reflèterait la parole… Il faut rendre plus complexe le regard que nous portons sur l’écriture. Paradoxalement, le regard de l’enfant en développement est plus complexe que celui de l’adulte alphabétisé. » 2) - p.99.
Ecrire, c’est donc se construire un système de représentation 8) et non pas simple notation ponctuelle des aspects sonores du langage. (Culture écrite)
L'oral structuré, une entrée dans l’écrit en maternelle ? avec Viviane Bouysse.
"Lire c’est connaître un code culturel."
"Passer de ce qui est écrit à ce qui est oralisé et inversement, lire c’est connaître ce code et l’appliquer.
… Ce qui est écrit peut être converti en langage oral et en même temps ce que l’on dit, on peut l’écrire.
Ce que je vois écrit, on peut le lire. Et ce que l’on dit, on peut l’écrire.
Rendre explicite cette relation entre l’oral et l’écrit."
Qu’est-ce que c’est un mot ? Vivianne Bouysse et Emilia Ferreiro se sont posées la question, répondant à l’identique.
« C’est par la fréquentation des textes à travers la lecture (une lecture soutenue par autrui avant de devenir autonome) que l’enfant découvre la signification conceptuelle de cette « banalité » technique : les blancs entre les mots ;
… au début de la période phonographique, les enfants préfèrent écrire en scripto continua, c’est-à-dire tout attaché, comme le faisaient les grecs et les romains de la période classique. » Ferreiro Emilia –2) p 8.
Vivianne Bouysse, dans la vidéo, développe : "A l’oral, on ne parle pas par mot. L’unité articulatoire c’est la syllabe.
Il faut connaître l’écrit – d’une certaine façon – pour repérer les mots à l’oral."
------------------------------------
Aussi, conclurons-nous cet article en ces termes au goût, à l’apparence, à la sonorité de tautologies mais qui n’en sont pas :
Ecrire – c’est écrire de la langue écrite.
Lire – c’est lire de la langue écrite.
" Tous les enfants ne sont pas au contact de cette langue modélisante. C'est le rôle de l'école maternelle de le proposer.
J'insiste sur cette idée d'imitation qui ne doit pas être tabou. Plus les enfants sont petits, plus ils apprennent par imitation
ils apprennent par essai-erreur et ils apprennent aussi par imitation.
Les apprentissages les plus culturels ne peuvent pas aboutir uniquement avec les essais et les erreurs, il faut qu'il y ait du modèle quelque part."
Viviane BOUYSSE.
----------------------------
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire