« questionner ce
qui est déjà connu et …
découvrir ce qui ne
l’est pas encore. » 1 *
Adèle Van Reeth
Raphaël Enthoven
Le snobisme
et des mardis de la philo.
Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant
« Lever le voile d’illusion qui nous empêche de voir,
pour mieux l’accepter. »
Adèle Van Reeth
A première vue, le snobisme
semble un sujet dénué d’intérêt, frivole, léger, creux, inconsistant.
Sa seule évocation fait sourire. Sûrs
de ne pas en être, nous voici haussant les épaules d’un air entendu. Quelle
question ? … Fariboles. En voilà
des idioties !
Et pourtant, à bien y réfléchir, ne balayons-nous pas le
snobisme d’un revers d’arrogance ? Bardés
de certitudes, ne passons-nous pas à côté du banal - donc de l’essentiel ?
Tout ce qui semble plat, usuel, ne contient-il pas des myriades de merveilles ?
Au vrai, l’extraordinaire nait
souvent de l’imprévisible. Telle la surface d’un lac cache des mondes
inconcevables, l’improbable végétal émerge à la surface du médiocre. C’est que la
fermentation n’a nul besoin d’un tonneau précis afin d’entrer en ébullition :
le remarquable prolifère à même l’ordinaire. Notre quotidien renferme des
pépites d’étonnement.
Au reste, pour ceux qui ne
seraient pas encore convaincus, la philosophe Adèle Van Reeth déclenche le
« détecteur de snobisme ».
Pas sûr que nous en sortions
indemnes…
D’après Bergson, rappelle cette
dernière, on ne voit pas les choses elles-mêmes mais les étiquettes qu’on a
posées sur elles.
Nous fonctionnons par étiquettes.
Loin d’être négatif, raisonner par étiquette est une nécessité. La condition sine qua non permettant d’activer la
pensée. « L’enjeu est vital nous dit Bergson ». Ces raccourcis sont
éclairants, permettent de nous expliquer, nous exprimer sans se perdre dans les
détails.
Au quotidien, ceci est nécessaire
afin d’effectuer des tris, de distinguer les choses, de ne pas être dissous
dans un flux continu. Un flou sans début ni fin.
Le snob - de même - brandit des
étiquettes, mais à l’extrême, et sait en
jouer à la perfection.
A tel point, que, prisonnier de
son jeu d’étiquettes, prenant son opinion pour la vérité, ce dernier développe des
côtés détestables, insupportables. Ainsi
l’attitude de Madame Verdurin, par ses exagérations, ses normes portées au
paroxysme « du bon goût », son sur-jeu, nous apparait-elle mesquine, odieuse...
Caricaturale. Ridicule.
Comportement artificiel dont
l’aspect dérisoire procure une certaine source de réjouissance.
Dans cette relation
avec les autres, être snob, n’est peut-être après tout, « pas si grave »
Si le snob assume ses choix, il peut également faire,
parfois, preuve d’autodérision.
Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant
La philosophe poursuit…
Le snobisme est une manière, pas
une matière. « Une manière – ajoute-t-elle
- de jouer avec les codes sociaux qui
nous est absolument nécessaire. » De même que l’homme est
irrésistiblement attiré par la société mais – tout à la fois et
contradictoirement – ne cesse de vouloir se distinguer. De même que nous oscillons
entre existence collective dans laquelle nous nous noyons et un besoin de
singularité, le snob n’a qu’un désir : sortir de la masse. Exister par
soi-même. Le pire cauchemar du snob serait de ressembler à tout le monde. Il
faut qu’il paraisse tel ou tel - favorisant la distinction sur l’identité. Ainsi
pousse-t-il certains faits sociologiques à l’excès. Cette dimension n’est pas
superficielle. C’est une question de survie, il n’a pas le choix.
Pour reprendre Pascal, le voilà
incapable de rester dans sa chambre. Du
coup, sa posture est une esquive. Son attitude un masque.
Derrière l’image frivole du snob,
se cache une douleur, une détresse. Une tragédie.
Recouvrir la vérité d’une forme
de voile, lui permet de vivre avec ses douleurs. C’est un vernis, un
stratagème, un mécanisme, une réaction de protection du sujet.
Une façon de tenir en société.
En
cela sommes-nous peut-être tous des snobs* ?
Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant
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Notes de bas de page
1 * : « Depuis 2007,
« Les Nouveaux Chemins de la connaissance », tentent de prouver
quotidiennement que la philosophie est affaire de rencontres. Rencontre avec un
interlocuteur d’abord, au gré d’une discussion dont le seul but est de donner
envie de penser, en invitant à questionner ce qui est déjà connu et à découvrir
ce qui ne l’est pas encore. » p 7
Adèle Van Reeth - Raphaël
Enthoven – Le snobisme – Plon, Paris
2015 – ISBN : 978-2-259-22988-3
Tweet Adèle 28 septembre : « Comme
la folie, le snobisme assumé ne l’est pas ou plus. Mais mon bavardage résiste á
toute définition. »
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Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant
Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant
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* Si le snobisme est barrière protectrice,
c’est également une carapace, une cuirasse, une barrière. N’est-ce donc point un
enfermement ?
A se prendre au sérieux - à l’extrême
du vivant – à se badigeonner du vernis de
l’originalité, de l’éclat, à vouloir se distinguer à tout prix, ne perd-on en
doute, en nuances, en sensibilité ? Le soi-même du snob ne prime-t-il pas
sur le monde ?
Pour le dire autrement, le snob,
s’il est sujet de philosophie, peut-il être philosophe ?
Comment distinguer une « snob
attitude », petit travers développé par tout à chacun, à un moment donné,
du snobisme – attitude plus récurrente, massive, généralisée ?
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Etat de snobisme avancé ?
Le bilinguisme, un peu d'humour...
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